Violences : Chiara Condi, l’altruiste qui transforme les victimes en chefs d’entreprise
Émue et fière, Chiara Condi circule entre les ateliers où s'affaire une centaine de personnes, mercredi 15 juin, à la Villa Bonne Nouvelle à Paris. Des experts d’Axa, Kering, Orange, Gemalto ou des développeurs d’Epitech sont venus participer au « hackathon » Led by HER. Le but ? Faire avancer les projets de start-ups d'anciennes victimes de violences. C'est pour les rendre de nouveau maîtresses de leur destin, via l'entrepreneuriat, que la jeune femme a fondé Led by HER, il y a deux ans et demi. Elle n'avait pas encore 30 ans . « Il n’y avait pas de structure pour permettre à ces femmes victimes d’avoir une nouvelle vie avec de l’ambition, et pas juste un travail pour survivre. Pour moi, le fait de créer quelque chose est la meilleure façon de se reconstruire », nous expliquait-elle, début juin, dans un café du IXe arrondissement.
Chiara Condi n'a pas connu les coups, ni les cris. Elle a joui d'une enfance privilégiée en Italie, à l'école américaine, avant de rejoindre les États-Unis. Dès son entrée à Harvard, elle s'éprend des Lettres et de l’Histoire. L'étudiante s’imagine professeure et passe des heures le nez dans les manuscrits poussiéreux du Vatican datant du XVIe siècle. Jusqu'à ce que sa fibre sociale lui fasse des appels de phare. « Je suis née avec énormément de chance et j’avais la responsabilité de donner quelque chose en retour », dit-elle avec son accent italien. Parallèlement à ses études, elle gère un centre d’accueil de SDF et crée un programme de soutien aux étudiants sans-logis. À la fin de l’année scolaire, elle est admise à Oxford pour suivre un doctorat d'Histoire. Elle préfère tourner les talons : « Il y a tellement de besoins dans le monde, je ne pouvais pas m’enfermer dans une bibliothèque ».
"Hors des rails"
Direction Sciences Po Paris. La jeune femme brune aux cheveux longs y étudie l’Économie avant d'être embauchée à la Banque européenne de reconstruction et développement basée à Londres. « Je me disais qu’on allait résoudre les problèmes à grande échelle, puis j’ai été déçue. » Son affectation au département des projets des dédiés aux femmes ne l'emballe pas plus que cela. « Je pensais que c’était du baratin, qu’il n’y avait pas de problématiques liées au genre », raconte-t-elle avec du recul. Elle se laisse convaincre et après deux ans de bons et loyaux services, son chef lui propose une promotion. Du haut de ses 25 ans, la jeune fille qui a l'entrepreneuriat dans les veines, claque la porte. « Je n’étais pas faite pour exécuter mais pour donner les idées et avoir des gens pour les exécuter. »
Chiara Condi s'octroie du temps et part trois mois en Italie, réfléchir à son avenir. Sortie des institutions prestigieuses, elle se retrouve hors des rails pour la première fois, « une crise immense ». S'en suivent des problèmes de santé. L'ambitieuse frôle la mort et est forcée au repos pendant de longs mois, qu'elle passe chez ses parents. Bilan ? « Je voulais me rendre utile, et revenir sur la thématique des femmes. »
Do you know how to expunge a DUI from your record?Read this article to learn how! http://t.co/xAc388qb #DUI
— CaldwellDUIAttorney Fri Apr 27 16:01:17 +0000 2012
Un cursus de trois ans, par 200 bénévoles
Utile pour les femmes, elle sera. Chiara Condi frappe à la porte des grandes écoles de commerce, quémande un lieu pour donner des cours à des femmes victimes de violences qui souhaitent monter leur start-up. L’IÉSEG School of Management et l’ESCP Europe répondent à l’appel. « Avoir des publics qui ont connu des traumatismes relativement proches dans des contextes socio-économiques différents était une approche intéressante. Il n’y a pas d’homogéneité sociale et cela force à dialoguer de différentes façons », se rappelle Sylvain Bureau, professeur associé à l’ESCP Europe, un des premiers à avoir dit « oui » au projet Led by HER. Tout comme Janice Byrne, professeur à l'IÉSEG School of Management : « Elle parlait de plusieurs choses qui me passionnaient : l'entrepreneuriat, avec cette dimension féministe et la notion d'empowerment, se souvient-elle. Et puis Led by HER apportait une oeuvre sociale dans une école de commerce. »
Convaincus par les yeux pétillants de Chiara Condi, les deux professeurs l'aident à trouver d'autres intervenants afin de constituer un réseau de 200 experts, entrepreneurs, employés d’entreprises (dont 30% d’hommes) pour assurer un programme de cours, gratuits, chaque mardi de l'année, et ce durant trois ans. « Tous ont cette envie de faire quelque chose de différent, qui marche, ensemble. Ils sont chacun la maille d’une longue chaîne, certains ne donnent qu’un seul cours par an, mais pendant ces quelques heures, ils changent le parcours de quelqu’un », explique la créatrice de Led by HER avec conviction.
Capitaine de la chaîne de solidarité
Pour trouver les « élèves », la jeune entrepreneuse a fédéré autour d'elle des associations, le centre Hubertine Auclert, des mairies... Le résultat est un mélange de nationalités allant de l’Argentine au Cambodge en passant par le Mexique et le Cameroun. « Certaines ont seulement 23 ans et ont l’impression d’avoir raté leur vie. » Deux ans après sa création, en 2014, l'association accueille soixante femmes. Soixante projets d'avenir allant d'une entreprise de garderie d'enfants dans un golf, à un garage-café pour femmes, en passant par une ligne de vêtements pour bébés prématurés. « Dans l’entrepreneuriat, beaucoup de personnes sont limitées par la peur d’avoir une moins bonne situation, explique Chiara Condi. Elles n’ont plus rien à perdre et ne peuvent que reconstruire, elles saisissent bien les opportunités. »
Chiara Condi vit pour l'instant sur ses réserves personnelles, en attendant de lancer une levée de fonds. Elle se dédie à Led by HER, à temps plein, avec ferveur, tout comme les élèves. Lorsque la chef de file s'est envolée à Barcelone pour tenir une conférence TEDx en mai 2015, les entrepreneuses ont monté une campagne de crowdfunding pour la suivre. Comme une nouvelle famille. « Certaines se voient en dehors des cours, elles parlent beaucoup de leur vie car elles ont souvent vécu les mêmes. Chacune a un moment où elle va tomber mais le groupe te rattrape et t’entraîne vers l’avant, c’est une chaîne ». Et elle, un bon capitaine.
Quand les célébrités parlent des violences conjugales :
Les célébrités parlent des violences conjugales Voir le diaporama 10 photosLa rédaction vous conseille :
Kayane, championne humble et audacieuse des jeux vidéoParis, ville idéale pour les femmes entrepreneuresCarrière : les 8 questions à se poser à l'aube de ses 35 ans