Sophie Fontanel pose nue et lutte contre l'invisibilisation du corps des femmes après 50 ans

Sophie Fontanel pose nue et lutte contre l'invisibilisation du corps des femmes après 50 ans

SociétéLa journaliste de 59 ans n’a pas hésité à poser nue dans un grand magazine féminin français. Rencontre.

Par MONICA DE LA VILLARDIÈRE

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Tout a commencé le jour où Sophie Fontanel a décidé de ne plus se teindre les cheveux et de les laisser grisonner. Ce moment d’acceptation de soi - et par extension d’acceptation de son âge - a été décisif pour l’écrivaine et journaliste, qui s’est alors imposée comme une figure de proue de l’anti-âgisme, ce mouvement luttant contre l'invisibilisation et les discriminations frappant les personnes de plus de 50 ans. Aujourd’hui, Sophie Fontanel assume complètement son âge, et en exhibe fièrement les signes sur Instagram. Une petite révolution, surtout pour une figure du monde de la mode en France.

Car si l’industrie se veut aujourd’hui plus inclusive, la question de l’âge reste en effet bel et bien taboue. On sait pourtant que nul n'échappe au passage du temps, mais les femmes jeunes redoutent comme la peste le jour où elles ne le seront plus. Et très peu de femmes mûres font la couverture des magazines, ce qui est bien dommage car elles n’en sont pas moins belles, au contraire. L’expérience leur donne de l’élégance.

Âge rime avec élégance

Le fait est que les femmes ont un sérieux problème avec le fait de vieillir. Et celui-ci ne concerne pas seulement celles qui s’approchent de la cinquantaine. Il suffit de regarder le nombre de produits anti-âge qu’adoptent aujourd’hui les trentenaires. L'âgisme est-il seulement une injonction patriarcale ? Les femmes ne l’alimenteraient-elles pas aussi à leur manière ?

Sophie Fontanel fait figure de loup solitaire et de précurseure en la matière. L’écrivaine est désormais célèbre non seulement pour sa plume, mais aussi pour son statut d’influenceuse anti-âgiste. Autrice de plusieurs romans récompensés, elle a aujourd’hui plus de 260 000 followers Instagram, pour qui elle décrypte l’actualité mode et culturelle. Mais ce sont ses selfies décontractés, où elle affiche ses dernières trouvailles et sa fameuse tignasse grise, qui ont fait sa renommée. Sophie Fontanel semble en voie de libérer toute une génération de femmes de ces injonctions toxiques à teindre leurs cheveux blancs ou gris. Et si elle cite sa confrère du British Vogue, Sarah Harris, comme source d'inspiration, son approche du mouvement "going grey" est néanmoins assez unique.

Dans son dernier roman, La Capitale de la Douceur, sorti la semaine dernière, l’écrivaine invite ainsi à cultiver son amour-propre à travers la nudité. “J’ai eu cette idée quand j'ai visité une petite île au large de la côte méditerranéenne : elle donne son nom au livre”, explique Sophie Fontanel. “Dans les années 1920, une communauté de naturistes s’y installe et y construit des centaines de maisons et un sanctuaire consacré à l’héliotropisme, une croyance dans le pouvoir de guérison du soleil sur le corps nu”. Plus tard, l'armée française s’accapare l'île et la convertit en base militaire. Aujourd’hui, seulement 5% de l’île est occupée par des naturistes. “Ce lieu m’est apparu comme un reflet du monde dans lequel on vit : 5 % de douceur entourés par de 95 % de violence et de dureté. Que faire de cette douceur si précieuse et si rare ? Comment pouvons-nous la canaliser ?”

Sophie Fontanel pose nue et lutte contre l'invisibilisation du corps des femmes après 50 ans

Pour Sophie Fontanel, cette analogie avec la violence dépasse le militarisme ou la guerre. La violence imprègne, d’après elle, la façon dont nous considérons notre propre corps. Petite-fille d'immigrés arméniens, l’écrivaine se souvient de l’éducation qu’elle a reçue. On lui disait que la douceur est le meilleur moyen d’être acceptée et de se sentir comme telle. Sophie Fontanel sera pourtant victime d’un événement traumatique qui l’empêchera de vivre pleinement ce principe. À 16 ans, elle se fait violer par un garçon rencontré en boîte de nuit. “À cette époque, je ne savais même pas ce que “flirter” voulait dire. Je n'étais pas préparée, je ne pouvais pas comprendre cette violence. Cette blessure reste ancrée au plus profond de moi”. Marquée à jamais par ce viol, Sophie Fontanel raconte avoir cherché, pendant de nombreuses années, à faire la paix avec le passé et avec son corps. “Quand la parole a commencé à se libérer avec #MeToo, il fallait ‘balancer son porc’. C’est ainsi que le mouvement s’appelait en France. On traitait la violence par la violence. Personnellement, je préfère dire #MeToo, car je crois que la violence doit être endiguée par des messages de solidarité et de non-violence”.

À la sortie de son roman, Sophie Fontanel décide de poser nue dans Elle. Joviales et intimistes, les photos célèbrent l’acceptation de soi et ont vocation à lutter contre l’âgisme. Selon Sophie Fontanel, il est endémique en France. Ce pays aime les femmes, explique-t-elle, mais il les place sur un piédestal si et seulement si, elles sont jeunes et correspondent ainsi aux standards de beauté.

L'âgisme est bien sûr très présent à l’étranger, admet Sophie Fontanel, mais il sévit à Paris de façon particulièrement violente : “Les Français sont obsédés par le sex-appeal. L’ADN de Paris, c'est le Louvre, la Tour Eiffel... et le sexe”. Mais la notion de sex-appeal se transforme avec l’âge… “Un jour, quelqu’un m'a dit : “Si vous ne pouvez plus porter de mini-jupes, qui voudra bien vous plaquer contre un mur et coucher avec vous ?”. Eh bien, pardon, mais je ne veux pas être plaquée contre un mur. Et les rapports de séduction devraient être un peu différents, non ? Surtout à mon âge… Le problème, c’est que les femmes sont désirées comme des objets”.

Les problèmes liés à la masculinité toxique sont abordés depuis quelques années dans les médias. Mais, selon Sophie Fontanel, les femmes françaises restent souvent complices de leur statut d’objet : “Nous souffrons parce que nous sommes considérées comme des objets sexuels, mais dès que nous vieillissons, nous sommes contrariées de ne plus être considérées de la sorte”. La journaliste suggère que nous devrions avoir dès le départ d’autres modèles de féminité. Le monde anglo-saxon regorge de femmes qui assument leur âge : “Par exemple, Diane Keaton dans le film Tout peut arriver de 2003. Ou encore, les androgynes David Bowie ou Mick Jagger, si on veut briser les barrières du genre. Et puis, pensons à toutes ces femmes élégantes qui se moquent éperdument de leur âge et qui se baladent en bottes en caoutchouc dans la campagne anglaise”.

Les photos de nu de Sophie Fontanel ont-elles été bien accueillies ? “Globalement oui, mais ça reste mitigé”, répond la journaliste. “J'ai reçu plein de messages d’encouragements, de la part d’hommes et de femmes, mais j’ai aussi reçu des messages d’indignation”, raconte Sophie Fontanel, regrettant qu’ils émanent surtout de femmes. Une abonnée Instagram lui a, par exemple, écrit : “J'ai le même âge que vous. Je suis plutôt bien conservée et je n’ai pas honte de mon corps, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi vous avez fait ces photos. Je ne comprends pas cet exhibitionnisme et cette impudeur.” Une autre lui a écrit qu’elle était “ridicule” et qu’elle perdait “toute sa crédibilité en voulant se libérer”. “À quoi bon ?”, lui a dit une autre. “Pourquoi ?”, “Pourquoi avez-vous fait ça ?”, lui a-t-on écrit une bonne paire de fois. “Eh bien, pourquoi pas ?” rétorque Sophie Fontanel.

Sophie Fontanel - Capitale de la douceur

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Traduction par Lyse Leroy

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