Prix du lait. « L’inflation n’est plus taboue », estime le président de la coopérative Sodiaal
La coopérative laitière Sodiaal, réunissant 17 600 producteurs en France, a annoncé en août 2021 un déclassement de 10 % des volumes bios sur une période de douze mois en lait non OGM. Ce qui représente une sacrée perte financière pour tous les agriculteurs en biologique
, s’alarment les Jeunes agriculteurs du Grand Ouest (Pays de la Loire, Bretagne et Normandie) dans un communiqué diffusé le 9 septembre.
Les syndicats se disent très inquiets, à la fois pour les jeunes installés et pour tous les porteurs de projets qui ont prévu de s’engager en système biologique
. Pour les éleveurs, « 100 % de leur volume est produit avec les coûts de production bios, ils n’ont pas de marge de manœuvre !
De plus, dans un contexte de hausse générale des matières premières, pointent les JA, l’impact risque d’être amplifié
.
Damien Lacombe, président de la coopérative Sodiaal, a répondu aux questions de Ouest-France, ce vendredi 10 septembre 2021.
Y a-t-il trop de lait bio ?
Nous avons beaucoup travaillé pour bien structurer le marché du lait bio. En volume, nous sommes passés en quelques années de 40 millions à 204 millions de litres de lait, en 2020. Nous atteindrons 230 millions l’an prochain. Nous avons été très vigilants à bien surveiller les équilibres. Et nous restons confiants à moyen terme pour le lait bio.
Mais, cette année 2021 a cumulé deux effets : une inversion de la consommation, elle s’était beaucoup accrue pendant le confinement, puis elle a décru, tandis que d’autres segments du lait ont progressé (pâturage, non OGM, etc.). Et, simultanément, cette année a été très favorable pour le fourrage, partout. Donc trop de lait a été produit. En ce qui nous concerne, c’est un afflux de 15 millions de litres bio supplémentaires. Nous avons donc décidé de mesures temporaires, en réorientant 10 % de ces volumes vers d’autres marchés, pour conserver la valeur. Nous sommes très prudents, ce sont des mesures responsables.
Vous-même, estimez-vous que le lait n’est pas assez bien rémunéré ?
Après les États généraux de l’alimentation, nous avons beaucoup travaillé la question du prix. Il a monté, la première année. Puis en 2020, il y a eu une petite baisse. Pour 2021, nous envisageons une hausse du prix de +13 à +15 €. Mais, malheureusement, ce sera insuffisant par rapport à la hausse continue des charges et des coûts. Nous allons donc peser très fort sur les négociations commerciales de 2022 [entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs], en tablant sur une hausse de +5 à +7 %. Sur le lait, les marges sont beaucoup trop faibles, la grande distribution ne pourra pas agir. Cette hausse va donc devoir être supportée par le consommateur.
Le mot inflation ne doit pas être un mot tabou pour le lait. Si l’on veut préserver la filière, dans la durée, la préparer à répondre à toutes les nouvelles exigences qu’on lui réclame (climat, carbone, baisse des plastiques et des emballages, Green deal…), alors le citoyen, qui veut tout ça, doit aussi accepter d’en payer le prix. Ce citoyen est aussi consommateur.
Vous estimez cette hausse du prix à combien ?
Nous avons besoin de cette inflation : une brique de lait vaut aujourd’hui 0,83 €. Il faut accepter d’en augmenter le prix de 6 centimes, soit + 7 %. À l’année, pour le consommateur moyen (80 litres par an), cela représente une hausse de 5 € par foyer. Cet effort, très faible pour le consommateur, nous permettra de faire face à tout cela…
Et comment se porte le marché de la poudre de lait infantile ?
En reprenant la société Entremont, nous avons repris un contrat avec le chinois Synutra, avec sa très grosse usine de Carhaix (Finistère). Devant les problèmes rencontrés par Synutra, nous avons repris cet outil. Nous ne le regrettons pas, même si l’outil a connu des difficultés de mise au point. Nous venons de recommencer les livraisons de lait, depuis début août.
Mais le marché du lait infantile s’est durci, depuis un an. La Chine reste un marché très important, mais le nombre de naissances y est tombé de 18 millions par an, il y a quatre ans, à 12 millions… La période est donc difficile. D’autant que la Chine cherche absolument à privilégier ses acteurs locaux : Feihe, qui n’existe que sur le marché interne chinois, est devenu le n° 4 mondial de la poudre de lait infantile ! À court terme, le contexte va donc rester difficile.
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