Pourquoi j'ai nourri mon enfant au lait artificiel (TEMOIGNAGE)
Un témoignage d'une maman de trois enfants (*).
Je vous vois venir, vous vous dites que j’ai fumé, que l’allaitement c’est le lait de maman au sein, ou à la rigueur le lait de maman tiré au biberon. Et puis c’est tout.
Mais même si j’ai nourri Samuel au biberon de lait artificiel, lui comme moi l’avons vécu comme un allaitement maternel.
Pour préciser les choses, le fait de ne pas allaiter au sein est un choix. Je ne me voyais pas priver bébé de manger si je n’étais pas à proximité, et je savais que j’aurai ce besoin de sortir, de sortir de la maison pendant de plus ou moins longues périodes. Pour être plus disponible pour mon bébé, j’ai besoin d’avoir du temps pour moi, de m’éloigner un peu. Je vous vois venir, vous allez me dire qu’on peut tirer son lait pour que papa le donne au biberon. Mais j’avais peur que Samuel soit de ces bébés qui ont beaucoup de mal à alterner sein et biberon. Et là je me sentirais prise au piège.
Je risquais d'empoisonner mon bébé
En outre, avec mes fichues maladies, le manque de sommeil peut générer chez moi un nombre important de crises. Donc j’ai besoin d’alterner avec papa. Pour son plus grand plaisir bien sur. Ne pas donner mon lait au biberon n’est pas vraiment un choix. J’ai été très attirée par une idée de tire-allaitement exclusif sans jamais mettre bébé au sein. Les avantages sans les contraintes.
Mais je prends des antiépileptiques. A ma connaissance, aucun n’est sans risque pour l’allaitement. On peut parfois allaiter avec du Lamictal mais les données manquent encore. Je ne pourrais pas mener ce tire-allaitement sereinement sachant que peut être j’empoisonnais mon bébé. Le lait en poudre n’est pas l’aliment idéal de bébé certes, mais il n’est pas non plus nocif.
Ce sera donc un allaitement artificiel au biberon. Mais j’ai vécu cet allaitement de manière très intense. Bien sur mon corps n’a pas nourri ce bébé. Je n’ai pas eu la fierté de le nourrir grâce à mon corps, d’être pour lui sa réponse à ses besoins vitaux. Je n’ai pas bénéficié du même bain d’hormones.
Mais ce que nous avons ressenti bébé et moi était très proche de l’allaitement maternel. Nous sommes fusionnels, le biberon c’est presque uniquement moi qui le donne. J’ai beaucoup de mal à déléguer cette tâche à qui que ce soit. C’est moi qui le nourris. D’ailleurs quand je rentre le soir, il ne réclame à manger que lorsque j’arrive. Papa partage d’autres moments avec bébé comme le bain. C’est une répartition qui se retrouve beaucoup dans les couples où bébé est au sein.
J’ai eu une montée de lait très douloureuse, et surtout très longue. Aujourd’hui, 6 mois après mon accouchement, sans aucune tétée, j’ai encore du lait qui coule sous la douche. Dans ma tête je ne suis pas prête à arrêter cette lactation. Quelque part dans mon cerveau, mon corps envoie le message que je nourris mon bébé.
Une relation fusionnelle
Mais il y’a d’autres signes plus forts encore. Des signes que je ne saurais expliquer autrement. Pendant longtemps, Samuel et moi avions une connexion forte et exclusive. Bien qu’il dorme dans sa chambre à l’étage et que je portais des boules quies (Mr G surveillait le baby phone), je me réveillais systématiquement quelques minutes avant que Samuel ne réclame sa tétée. Pourtant, il ne faisait aucun bruit. Même à deux heures du matin, je me réveillais fraîche comme la rosée du matin. Alors je savais, je savais qu’il allait pleurer. Je ne me suis jamais trompée. Encore aujourd’hui, je pose à peine la tête sur l’oreiller que Samuel se met à pleurer. Il sent que je ne vais plus être disponible pour lui.
Samuel pendant longtemps ne pouvait s’endormir uniquement que s’il était contre moi. Un vêtement avec mon odeur ne suffisait pas. Il avait besoin des battements de cœur, de me ressentir contre lui. Je n’ai jamais expérimenté quelque chose de similaire avec mes jujus qui étaient aussi au biberon.
Alors oui ça peut paraître bizarre à certains. Mais rien n’est tout blanc ou tout noir pour moi. Le monde est en nuances de gris (pas en 50 nuances, en infinité). J’ai besoin de me dire que malgré tout j’ai pu me rapprocher de cette expérience de l’allaitement. Que je ne suis pas passée totalement à côté de cette expérience. Que de toute manière, l’allaitement est bien plus que le fait de faire passer des nutriments à son enfant physiquement, c’est une également une expérience émotionnelle, et peut être pas contingente au fait de donner le sein.
(*) : Ce témoignage a initialement été publié sur le blog WorkingMutti.