Ma fille se nourrit de saucisses et de bonbons, je crois que les légumes ça va pas le faire
Les enfants entretiennent une relation bizarre à la nourriture. Certains plus que d’autres, et ma fille en fait partie !
À deux ans, je me régalais déjà de cantal et de camembert, ce qui m’avait valu le surnom de glouton. Mon mari, lui, mange absolument tout ce qui est comestible de près ou de loin, du moment que ça se trouve dans son assiette, ou celle de ses voisins de table. En toute logique, notre descendance ne pouvait qu’avoir hérité de nos gênes voraces.
Nous allions HA-BI-TUER nos enfants dès le premier âge à manger de tout SANS LEUR LAISSER LE CHOIX.
Si vous êtes vous-même familiers de la Daronnie, vous vous doutez que les choses ne se sont pas passées comme ça et qu’aucun esprit n’est plus libre que celui d’un enfant en bas âge, donc lécher la colle des enveloppes parce que ça un goût sucré ok, mais alors mes galettes de poireau bio, je peux me les mettre où je pense.
Le bébé, petit être gourmand sans être gourmet
Quand le bébé arrive, son alimentation nous obsède. C’est tout à fait normal et naturel puisqu’il faut assurer la survie du machin, mais quand même, ça nous obsède. J’ai lu que l’allaitement au sein était le meilleur moyen de nourrir son enfant. J’ai eu du mal à comprendre pourquoi, puisque tous les enfants nourris aux laits maternisés semblaient en parfaite santé et que j’avais la chance d’avoir un accès illimité à une eau très potable, mais j’étais nullipare et j’étais bien consciente de l’ignorance crasse de mon espèce.
Des mois d’allaitement exclusifs plus tard, l’enfant a été présenté à son premier biberon de lait, ce qui a provoqué chez moi une vague d’angoisse sans précédent : il n’accepterait jamais, il pleurerait, il se sentirait trahi, bref j’allais casser le bébé parce que j’avais eu la flemme de tirer mon lait la veille.
Sans nouvelles de la crèche, je me suis rendue à l’évidence : le bébé s’était empoisonné et personne n’avait encore eu le courage de me prévenir. Pensez-vous, le goinfre ingrat avait sifflé son lait en poudre avec enthousiasme avant de s’endormir paisiblement. Et je ne vous parle même pas de la diversification, car qu’est-ce qui est meilleur qu’un petit pot industriel premier prix ? Certainement pas les recettes bio de maman piochées sur Instagram.
Heureusement, aux alentours d’un an, mon enfant entre dans une phase qui va durer environ 10 minutes où il mange avec enthousiasme absolument tout ce que je lui présente. De la choucroute, des salsifis , des quenelles, et parfois tout ce que je ne lui présente pas, car si on en croit les bébés, rien n’est plus divin que les croquettes du chat et la poussière du bac à sable.
Le bambin : mais comment fait-il pour survivre ?
Je pensais que quand on ne se nourrissait pas suffisamment, on sombrait dans un état de faiblesse tel que même se mettre debout devenait une épreuve. Si j’en crois mon enfant de 4 ans qui saute sur mon lit dès 6 h 30 du matin et ne s’arrête de gigoter qu’aux alentours de 20 heures, inanition et apathie ne sont absolument pas liées.
Je ne sais pas comment mon enfant fait pour survivre puisqu’elle refuse systématiquement à peu près tout ce que je lui propose, sauf si c’est de la saucisse, des bonbons ou des gâteaux. Là, c’est différent. Ce régime alimentaire assez restreint et à mon avis fort peu nutritif ne s’accorde pas très bien avec mes valeurs qui exigent que j’assure la bonne santé de ma fille.
J’ai eu beau l’habituer depuis bébé, cuisiner devant elle, l’exposer à ce qu’il y a de meilleur (en gros tout ce qui se mange), rien n’y fait. La transmission culinaire n’a pas (encore) eu lieu. Et c’est dur. Parfois, un miracle se produit et elle accepte d’avaler ses haricots verts. Je me dis que je peux m’arranger avec ça et accorder à l’insignifiant bâtonnet le rôle de « légume vert générique » qui me donnera l’impression que ma fille mange équilibré. Je me précipite à l’épicerie bio (évidemment) et je nous constitue un stock de haricots assez fantaisiste. Bien entendu, à peine les 10 kilos de haricots ont-ils passé le pas de notre porte que ma fille commence à témoigner une répulsion extrême à la vue de l’aliment.
Mais comment leur faire avaler quelque chose ?
Je ne m’avoue pas vaincue si facilement et je n’hésite pas à utiliser la ruse en planquant une misérable carotte hachée menue dans 1 kilo de pâtes au beurre. J’ai dû oublier l’espace d’un instant que ma fille possède certes une logique assez personnelle qui me permet d’affirmer sans le moindre doute qu’elle est totalement barjot, mais niveau intelligence et flair, elle se pose là. La planque de légume, on ne lui fait pas.
Je tente ensuite de lui expliquer que les vitamines contenues dans les carottes sont bonnes pour les enfants. Je tente une virée sur le terrain glissant de la culpabilisation infantile en expliquant à la créature que si elle ne mange pas ses légumes elle va tomber malade et que ça me rendra très triste, mais son état général la préoccupe déjà très peu, alors imaginez le mien.
En désespoir de cause, je tente un vieux comme le monde : « Si tu ne manges pas, j’en déduis que tu n’as pas faim et je ne te donnerai pas de dessert ». Globalement, cette menace observe de bien meilleurs résultats que les techniques précitées, pour peu qu’on ait 6 heures devant soi à consacrer à un bras de fer mental impitoyable. Ce qui n’est absolument pas mon cas. Me voilà bien avancée.
Alors que je suis au parc, ma fille me présente une feuille morte sur laquelle elle a disposé de la gadoue et du gravier. «Tiens maman, regarde ce que j’ai cuisiné, goûte, c’est trop bon ! » s’exclame-t-elle avant de mimer un croc ravi. Quand je pense que sa tambouille infâme a plus de valeur à ses yeux que mes pâtes aux légumes, je comprends que je ne peux pas lutter et j’accepte enfin de me soumettre à Messeigneurs Knackis et riz au ketchup. Amen.
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Image en une : Pexels/Polina Kholodova