Le lait, bon ou mauvais pour la santé ? | Santé Magazine
Une récente étude jette une nouvelle fois le trouble sur cet aliment. Et si consommer du lait n’était pas si bénéfique que cela pour les adultes ? Le point sur les risques d'ostéoporose et de cancer.
C’est le British Medical Journal qui a publié cette étude troublante, menée à l’université d’Uppsala, en Suède. Selon elle, le lait pourrait, consommé en grande quantité, majorer le risque de fracture et la mortalité chez les femmes.
Un lien entre quantité de lait consommée et risque de décès
Les chercheurs ont observé la consommation de lait et de produits laitiers de 61 400 femmes entre 1987 et 1990, et de 45 300 hommes en 1997, puis surveillé leur santé durant les vingt années suivantes.
Résultat : les femmes buvant plus de trois verres de lait par jour (680 ml) ont un risque de décès 90 % plus élevé et un risque de fracture de la hanche 60 % plus élevé par rapport à celles qui boivent moins d’un verre par jour.
Pour les hommes, le lien entre quantité de lait consommée et risque de décès est également observé, mais de manière moins prononcée, et aucun lien n’a été fait pour les fractures. L’analyse concernant les fromages et les laits fermentés montre un lien statistique, mais inverse : les femmes qui en consomment beaucoup ont des taux de mortalité et de fracture plus faibles que les autres.
Le lait favorise-t-il l’ostéoporose ?
Non ! Et les auteurs de l’étude eux-mêmes mettent en garde contre cette conclusion hâtive. « Il s’agit d’une étude observationnelle, dit le Pr Patrice Fardellone, rhumatologue. La population sur laquelle elle a été menée n’est pas représentative. On ignore aussi les antécédents de ces personnes ou leur hygiène de vie, si elles ont consommé du lait dans leur enfance, si les fractures observées sont liées ou non à des chutes, des AVC... »
Par ailleurs, l’augmentation du risque de fracture n’a été observée que pour une consommation supérieure à 680 ml par jour.
A faire : notre test Ostéoporose : êtes-vous sujet à risque ?
Les sucres du lait seraient-ils en cause ?
C’est ce que suggèrent les chercheurs, tout en précisant que cela doit encore être l’objet d’expérimentations. L’éventuel effet néfaste du lait à haute dose chez les adultes pourrait être lié à ses teneurs élevées en lactose et, par ricochet, en D-galactose (le lactose est transformé en D-galactose lors de sa digestion par une enzyme, la lactase).
Cette hypothèse s’appuie sur le fait que ces sucres sont peu présents dans les fromages et les laits fermentés qui, eux, n’ont pas cet effet néfaste, et sur des expériences menées sur des souris, selon lesquelles le D-galactose pourrait jouer un rôle dans le stress oxydant des cellules et l’inflammation.
Est-ce lié à un problème d’intolérance au lactose ?
Non, au contraire : « Seules les personnes possédant l’enzyme (lactase) capable de transformer le lactose en D-galactose sont confrontées à ce sucre et à son potentiel stress oxydatif, dit le Dr Nicolas Mathieu, gastro-entérologue.
Chez les personnes intolérantes, le lactose n’est pas transformé en D-galactose. Il arrive non digéré dans le côlon où il provoque des troubles digestifs, et parfois inflammatoires quand les produits de sa dégradation parviennent à traverser les parois du côlon. »
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Le lait a-t-il un effet sur les principaux risques de cancer ?
C’est contradictoire : le lait pourrait en prévenir certains et en favoriser d’autres. Selon le Pr David Khayat, chef du service de cancérologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et auteur de Le vrai régime anti-cancer (éd. Odile Jacob), « une consommation importante de produits laitiers augmente sensiblement, et de façon assez reproductible d’une étude à l’autre, le risque de cancer de la prostate ».
Inversement, elle pourrait prévenir le cancer du côlon mais « toutes les études ne sont pas d’accord, et vu l’hétérogénéité des produits laitiers dans nos consommations et celle des individus vis-à-vis de leurs capacités à digérer le lait, il n’est pas simple d’arriver à se faire une idée générale. »
Qu’en est-il de ses protéines ?
Selon certains, elles pourraient perturber le système immunitaire et, sur un terrain génétique propice, favoriser à l’âge adulte des maladies auto-immunes comme la polyarthrite, les rhumatismes... Mais rien n’est prouvé.
Ce qui est sûr : elles provoquent des allergies (eczéma, asthme...) chez 1 à 2 % des nourrissons, qui disparaissent souvent au cours de la seconde année de vie. Pour le reste, ce sont des protéines animales de qualité, qui contribuent efficacement à couvrir nos besoins protéiques quotidiens.
Faut-il encore respecter la recommandation officielle, trois produits laitiers par jour ?
La recommandation officielle reste donc de mise pour les femmes, notamment lors des grossesses et après la ménopause. Mais elle gagnerait, selon David Khayat, à être revue à la baisse pour les hommes au regard du risque accru de développer un cancer de la prostate.
Est-il intéressant de se tourner vers du lait sans lactose et d’autres produits laitiers ?
« Seulement en cas de déficit avéré en lactase, répond Nicolas Mathieu. Dans ce cas, il peut être envisagé avec un médecin ou un diététicien un régime strict au long cours sans lactose. Sinon, il n’y a aucune raison. »
L’idéal, c’est de varier les produits laitiers, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients nutritionnels.
Où trouver ailleurs du calcium ?
Pour compléter les apports calciques champions des produits laitiers (100 g d’emmental = 1 200 mg de calcium, 1 yaourt lait entier nature = 189 mg, 100 g de fromage blanc à 30 % = 115 mg…), on peut se tourner vers :
A noter : il est possible de calculer sa ration calcique sur le d’où sont aussi issus ces chiffres.
A lire aussiAuteur : Caroline Henry , Journaliste nutrition minceurPr Patrice Fardellone, chef du service de rhumatologie, CHU d’Amiens, membre du comité scientifique du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) Article publié le