Mais, il y a quoi dans le chocolat "sans" ?
(ETX Studio) - Vegan, sans lactose, sans sucre. C'est ce qu'on appelle le chocolat de demain. Mais, concrètement, comment les chefs réussissent-ils à fabriquer du chocolat en enlevant les ingrédients qui titillent d'habitude notre goût pour le sucre et le gras ? Avec une bonne dose de bon sens, ils ne se privent pas pour puiser dans tout ce que nous donne la nature : des fruits, de l'huile d'avocat ou encore du lait de soja.
Neuf mois. C'est le temps dont a eu besoin le Meilleur Ouvrier de France Nicolas Cloiseau pour accoucher de sa collection 100% végétale. C'était en 2018 et le chef de la Maison du Chocolat fut la première grande signature à oser bousculer l'ordre établi du cacao. Le constat de départ est simple : ne jamais verser un seul soupçon de crème ni même une lichette de beurre dans les ganaches pour proposer un coffret aussi délicieux que la Maison a l'habitude de le proposer. Accompagné d'un médecin nutritionniste, Nicolas Cloiseau élabore cinq recettes de ganaches qui ne comptent plus sur des éléments naturels pour peaufiner le goût et assurer la texture adéquate d'un chocolat. Le sucre ? Le chef Cloiseau fait marcher la logique et trouve dans le miel et le sirop d'érable les ressorts suffisants pour rassasier le cerveau.
Des fruits, des plantes et des infusions
Surtout, pour façonner le chocolat de demain, on use de la richesse aromatique de la nature pour obtenir la texture parfaite d'une ganache. Nicolas Cloiseau puise dans les fruits assez d'arômes pour arrondir ses bouchées. Le taux peut grimper jusqu'à 74% comme dans ce praliné aux graines de courge. En purée, en jus, en nectar, le fruit est utilisé sous toutes ses formes. Et il les accorde à des épices, comme le curcuma avec la mangue pour apporter une saveur acidulée à une ganache noire. L'aloe vera s'associe à la pomme verte, la grenade à un jus de framboise et de baies d'Aronia. La recette la plus insolite restant l'utilisation de la propolis, une substance que récupèrent les abeilles et que celles-ci mastiquent pour tapisser la ruche.
A la maison Edwart Chocolatier, Edwin Yansané prépare aussi des purées de fruits ainsi que des infusions. Dans son tout premier coffret vegan, il utilise de l'hibiscus, du poivre et du café, frais et tout juste torréfié. "Les ganaches ont été un vrai défi à relever ! Avec mon équipe, nous avons dû redoubler de créativité pour trouver et travailler une base végétale qui permette de fixer toutes les saveurs, même les plus subtiles", explique le chef de la maison Edwart Chocolatier. Compter 28 euros l'écrin de 25 chocolats.
Du lait de soja ou de l'huile d'avocat
Pour remplacer la crème - puisqu'aucun beurre n'était utilisé dans ses créations, le chef Edwin Yansané décide de compter sur le lait de soja qui permet d'obtenir une consistance crémeuse et soyeuse. Le jeune artisan a réalisé plusieurs tests avec du lait de coco, du lait d'avoine, du lait d'amande ou encore du mascarpone végétal.
De son côté, Nicolas Cloiseau travaille sur une autre idée dans la perspective de lancer un coffret vegan. Dévoilée en janvier dernier, la collection préfère miser sur le fondant de l'huile d'avocat pour un écrin baptisé "La Vie en vert", que l'on pourra déguster début 2021. La gamme comprend des recettes au cassis noir de Bourgogne, à la purée de passion ou framboise. Le coffret vegan affiche 27 euros pour seize pièces.
Du bon sens aussi
Augmenter le pourcentage de noisettes pour obtenir suffisamment d'huile et l'émulsion adéquate à la préparation d'une pâte à tartiner. C'est l'idée de Pierre Chauvet pour proposer une recette sans lactose. Le chocolatier d'Aubenas a choisi d'utiliser 60% de noisettes. D'habitude, l'artisan ardéchois en met 43%.
"Plus on augmente la portion, plus on apporte de l'onctuosité" explique le chef. Car oui, dans le fruit sec, il y a de la matière grasse. Il suffit de préparer un praliné, c'est-à-dire caraméliser des fruits secs (amandes, noisettes, noix de pécan) pour les mixer ensuite et découvrir qu'au bout de quelques secondes une huile remonte à la surface, transformant la poudre en pâte. "Généralement, on choisit la lécithine de soja pour élaborer des recettes sans lactose. Mais, je ne voulais pas en utiliser. Et dans ces recettes, on n'utilise que 10 à 25% de fruits secs", souligne Pierre Chauvet, qui a choisi des noisettes du levant pour maîtriser le coût de sa pâte à tartiner. Elles sont en effet moins chères que les noisettes du Piémont. Compter 7,90 euros le pot de 110g.
A la Maison du Chocolat aussi, on a compté sur les pouvoirs de la noisette et de son huile pour élaborer la texture de la toute première collection végétale. Nicolas Cloiseau complète son nuancier avec la fibre de chicorée à retrouver dans la collection "la Vie en Vert".
De son côté, Pierre Chauvet ne s'arrêtera pas en si bon chemin et travaille sur une gamme de ganaches sans lactose. "Au lieu du lait, on ajoute de l'eau, du lait de coco, de la couverture chocolat, du cacao. Tout reste encore à mesurer" prévient le chef. Le nouveau chocolat a donc encore beaucoup de secrets à nous révéler.