Quels sont les bénéfices prouvés de l’allaitement?
C’est l’un des grands choix qu’un couple - et a fortiori, la femme - doit faire au cours de la grossesse: allaiter ou pas son enfant. En France, l’allaitement exclusif est préconisé au moins jusqu’à l’âge de 4 mois, et si possible jusqu’à 6 mois. Or seule une femme sur deux allaite un mois après la naissance et une sur quatre six mois plus tard, selon les données les plus récentes. Pourtant, «les recherches scientifiques prouvent l’indéniable supériorité de l’allaitement maternel», souligne un document commun du ministère de la Santé et de la Société française de pédiatrie. Les bénéfices de l’allaitement sont-ils si exceptionnels pour l’enfant? Pour la mère? Le Figaro a fait le point avec un pédiatre spécialiste de la question pour vous aider à faire un choix éclairé.
Que contient le lait maternel?
Ce n’est pas un élixir miracle, mais presque. Le lait maternel possède toutes les qualités nutritionnelles pour répondre totalement aux besoins du nourrisson. Il contient des protéines, des lipides, des glucides et des minéraux en quantité suffisante. On y trouve également de nombreux facteurs protecteurs contre les infections (immunoglobulines, cellules immunitaires...) ainsi que certaines substances aidant à la digestion et à l’absorption des nutriments. «La composition du lait maternel évolue constamment en fonction de l’âge de l’enfant et du moment de la tétée pour s’adapter à ses besoins», détaille le Pr Dominique Turck, pédiatre au CHU de Lille. «On peut parler d’alimentation à la carte, alors que la composition du lait artificiel ne change pas.»
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Quelles différences avec le lait artificiel?
Ce n’est pas la seule différence. D’abord, le lait maternel contient beaucoup moins de protéines que le lait industriel, mais cette quantité reste parfaitement adaptée aux besoins du nourrissons. En outre, celle-ci va encore diminuer au fur et à mesure des jours pour laisser place à davantage de lipides et de sucres. Ce n’est pas tout. «Le lait maternel contient des acides gras polyinsaturés à longue chaîne, qui jouent un rôle important dans le développement du cerveau et de la rétine, ainsi que des oligosaccharides, ces sucres qui participent à la prévention des infections», ajoute le Pr Turck. Selon le médecin, au moins une marque de lait industriel a mis sur le marché un produit enrichi en oligosaccharides mais selon lui, «il n’y a pas de certitude qu’ils aient la même action que ceux que l’on trouve dans le lait maternel.»
Quels bénéfices pour l’enfant?
«Il est certain qu’il vaut mieux nourrir son enfant au lait maternel qu’au lait artificiel, mais les bénéfices seront évidemment plus marqués dans les pays en difficulté économique, où les filières de soins ne sont pas efficaces», précise le Pr Turck. À l’heure actuelle, il existe un consensus scientifique pour dire que l’allaitement joue un rôle dans la prévention des infections. «Les études montrent que, quel que soit le niveau socio-économique de leur pays, les bébés allaités ont moins de risque de faire des diarrhées aiguës, des infections ORL et d’être hospitalisés pour des infections respiratoires dans leurs premiers mois», indique le pédiatre.
Les autres bénéfices attribués à l’allaitement sont davantage discutés. «Pour établir un lien de cause à effet entre le lait maternel et des bénéfices pour la santé de l’enfant, il faudrait attribuer au hasard à un groupe de nourrissons l’un ou l’autre de ces modes d’alimentation, ce qui est évidemment impossible pour des raisons éthiques», détaille le médecin. En clair, il ne sera jamais possible d’obtenir des résultats indiscutables, ce qui explique la fréquence à laquelle paraissent des études aux résultats contradictoires. «On peut seulement parler d’association car les études dont nous disposons sont de faible niveau de preuve», insiste encore le Pr Turck.
Pour l’heure, de nombreuses études concluent que l’allaitement a un rôle protecteur contre l’obésité. «On observe une diminution du risque de l’ordre de 10 à 15% pendant l’enfance et l’adolescence. Et plus l’allaitement est long, plus l’effet est marqué», indique le médecin. En revanche, il n’existe aucune preuve formelle que l’allaitement diminue le risque de diabète, de maladies cardiovasculaires et d’allergie, ni qu’il améliore le développement cognitif.
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Et pour la mère?
Les femmes qui allaitent exclusivement jusqu’à l’âge de six mois en retirent également des bénéfices. L’allaitement précoce permet par exemple à l’utérus de retrouver sa forme normale plus rapidement (via la sécrétion d’une hormone, l’ocytocine) et elles préviennent hémorragies du post-partum et endométrites (infection de la muqueuse utérine). L’allaitement a également un impact sur la perte de poids puisqu’il augmente les dépenses énergétiques.
Autre avantage: allaiter limite le retour de couche. Une sorte de contraception naturelle, qui porte le nom de «méthode de l’allaitement maternel et de l’aménorrhée» (MAMA). Toutefois, cette méthode contraceptive est loin d’être fiable à 100%, même si les règles sont absentes. Pour majorer son efficacité, il faut respecter un intervalle de 6 heures maximum entre chaque tétée, même la nuit. Cela assure que le taux de l’hormone prolactine reste élevé, ce qui empêche la reprise de l’activité ovarienne.
Enfin, l’allaitement diminuerait le risque d’ostéoporose à la ménopause ainsi que le risque de développer un cancer du sein ou des ovaires. Mais là encore, il ne s’agit que d’association: le lien n’a pas été formellement prouvé.