Le prix à payer des femmes en couple hétérosexuel : l’addition est salée !
“Où passe l’argent des femmes, celui qu’elles ont et celui qu’elles n’auront jamais ? À quoi dépensent-elles celui qu’elles ont ? Et, en négatif de ce plein, quel est le vide : à quoi ne l’investissent-elles pas ? Pourquoi n’en toucheront-elles pas plus ? Les éléments de réponses à ces questions convergeaient pour la plupart vers un même point : leur couple.
À première vue, les femmes dépensent beaucoup pour le couple, mais n’en gagnent pas beaucoup à cause de lui. Un doute m’a saisie. Un doute qui va à l’encontre des idées reçues sur la ‘femme entretenue’ qui bénéficie des largesses de son partenaire. Le couple est-il une arnaque pour les femmes ?”
Ainsi commence l’ouvrage de Lucile Quillet, autrice de Le Prix à payer – Ce que le couple hétéro coûte aux femmes (éditions Les Liens qui Libèrent). Son livre se divise en trois grandes parties : avant le couple, en couple et après le couple. Différentes étapes de la vie qui débouchent sur une addition salée pour les femmes hétérosexuelles.
Le prix à payer pour être une bonne candidate physique
Avant d’être en couple, la femme doit se plier à certaines injonctions. Lucile Quillet compare cette phase à celle que traverse le fameux personnage de Bridget Jones qui, pour trouver un mari, décide de perdre 10 kg, achète de la lingerie, se fait les ongles, s’épile, se coiffe…
“Comprendre pourquoi Bridget Jones est prête à dépenser et investir tant de temps, d’argent et d’énergie à la quête du grand amour, c’est comprendre pourquoi les femmes veulent tant être en couple. Parce que le couple, c’est ce qui vous rend heureux. Mais surtout, ce qui fait de vous quelqu’un de normal”, écrit la journaliste.
Mais pour atteindre cette “normalité”, il faut sortir le porte-monnaie.
Prendre “soin de soi” : 1 000 € pour les femmes vs 4,99 € pour les hommes
L’autrice commence par faire un tour dans sa salle de bains. Elle compare ses produits à ceux de son compagnon, en mettant de côté ceux qu’ils partagent comme le dentifrice, le déodorant, les rasoirs ou encore le gel douche. Savon pour le visage, démaquillant, crèmes variées, sérum de nuit, masques cheveux et visage, fer à lisser, maquillage… Au total, celle-ci possède une quarantaine de produits cosmétiques.
Du côté de son compagnon : juste un bain de bouche. Basta. Si l’on passe à la caisse, l’écart est béant. L’autrice en a environ pour 1 000 € de produits, pour une peau plus pure, des cheveux hydratés et des “solutions” pour éviter les rides. Son compagnon, lui, pour une bouche saine, a déboursé 4,99 €.
“Combien de milliers d’euros ai-je dépensé depuis mon adolescence en produits de beauté ? Mais surtout, pourquoi ?”, se demande Lucile Quillet. “Le male gaze (le regard masculin ou culture visuelle dominante, ndlr) a fait du physique des femmes la traduction de ses qualités, d’un état d’esprit et d’une forme de vertu, là où les hommes en sont exempts.”
En feuilletant un magazine de presse féminine datant d’avril 2021, l’autrice découvre deux pages consacrées aux “alliés” pour se “façonner un body d’été”. Pour atteindre cet utopique “bikini body”, 17 produits sont présentés. Du gel douche au gommage en passant pas un sérum, une huile ou encore une mousse. Le panier total : 700 euros.
Épilez ce poil que je ne saurais voir : 21 600 € vs 0 €
Au-delà des produits cosmétiques et du maquillage, “la femme” doit avoir la peau douce, et donc… s’épiler. Si les poils sont de plus en plus acceptés et montrés, ils restent pourchassés par beaucoup de femmes. Les chiffres sont en baisse, mais encore 73 % d’entre elles considèrent qu’il est important de s’épiler pour être séduisante (-13 points depuis 2013), selon une étude Ifop parue en février 2021.
Lucile Quillet a donc évalué le coup de ces “soins”. Elle a comparé plusieurs enseignes esthétiques et s’est basée sur les zones “de base” a épiler – à savoir les aisselles, les jambes et le maillot. En moyenne, il faut compter “au minimum” 60 euros par séance. C’est-à-dire 720 euros par an. Ce qui fait 21 600 euros de 20 à 50 ans…
À celles et ceux, sceptiques, qui pourraient rétorquer que tout le monde ne va pas chez l’esthéticienne ou n’a pas 1 000 € de produits dans sa salle de bains, l’autrice rétorque : “La majorité des femmes continueraient-elles de s’épiler et de se maquiller en vivant seules sur une île déserte ? […] Avoir le choix de ne pas réaliser la charge esthétique, c’est se donner les pleins pouvoirs, se passer de l’approbation des autres. Et les femmes n’ont pas été éduquées ainsi.”
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— Wally 💵 Sat Apr 18 14:14:59 +0000 2020
Le prix à payer pour la charge sexuelle : jusqu’à près de 5 000 € de contraception
Aujourd’hui, la femme peut “choisir” à quel moment elle souhaite “tomber” enceinte. Or, pour cela, “il faut passer l’immense majorité de sa vie sexuelle à œuvrer pour ne pas [avoir d’enfant]”.
Pour pouvoir “choisir”, il faut donc penser à la contraception. La plupart du temps assumée par les femmes, aussi bien physiquement que financièrement.
65 % des pilules sur le marché sont prises en charge. En déduisant le remboursement de la prescription et du suivi, il reste à la charge de la patiente entre 18 et 38 euros annuels, selon la Haute autorité de santé. Pour une pilule non couverte, il faut compter une vingtaine d’euros pour la consultation médicale, et entre 100 et 141 euros annuels pour le reste à charge. Résultat, pour 35 années de contraception : 4 900 euros.
Pour les patchs contraceptifs, entre 171 et 184 euros annuels ; une vingtaine d’euros annuels pour l’implant ; ou encore 7 à 18 euros à charge restants en moyenne par an pour un stérilet.
Le prix à payer une fois en couple
Une fois en couple, les écarts salariaux sont eux aussi marqués. Seules 25 % des femmes en couple gagnent plus que leur conjoint. En moyenne, les hommes touchent un salaire supérieur de 20,3 % aux femmes à équivalent temps plein, selon une étude de l’Observatoire des inégalités du 5 mars 2021.
L’autrice se demande alors s’il est équitable de faire 50/50 pour le loyer et les dépenses quotidiennes (courses, sorties, etc.) ? “[Cette obsession du 50/50] a participé à renforcer la culpabilité des femmes et rendre encore plus invisibles les concessions et le travail gratuit des femmes pour le foyer”, écrit-elle dans son ouvrage Le Prix à payer.
Le prorata n’est pas non plus la solution miracle selon la journaliste. “Même en faisant au prorata, bien des femmes courent derrière le standard de vie de leur compagnon. C’est ce que j’appelle ‘l’effet d’entraînement’ : le plus haut salaire donne le la sur le niveau de vie”, justifie Lucile Quillet.
De plus, elle démontre, en s’appuyant sur des chiffres, que le couple alourdi les charges d’une femme. En France, 80 % des femmes font le ménage et/ou la cuisine tous les jours, contre seulement 36 % des hommes, selon une étude menée par l’Insee et Eurostat en 2017.
“Ce qui est vraiment intéressant, au-delà des standards de chacun, est qu’à la mise en couple, le temps domestique gonfle pour les femmes, baisse pour leurs conjoints : une femme en couple ajoute 7 heures de travail domestique à sa semaine, quand un homme en enlève deux !”, écrit-elle.
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Le prix à payer en devenant parents
Lorsqu’il s’agit de s’occuper des enfants, la répartition est elle aussi inégale. “En 2010, les femmes assurent 74 % des soins de base aux enfants, 73 % de leur suivi scolaire et 69 % des trajets. L’égalité avec les hommes ne se frôle que lorsqu’il s’agit des loisirs”, cite Lucile Quillet, selon des chiffres de l’OCDE.
C’est aussi la femme qui modifie son emploi du temps quand un enfant arrive. “Près de 40 % des femmes actives modifient leur activité après l’arrivée d’un enfant, laquelle produit une pénalité durable de rémunération de l’ordre de 30 %. Plus il y a d’enfants, plus elles se détournent du temps plein : dans les familles avec un enfant, 28 % des mères sont à temps partiel, puis 42 % quand il y a en a trois. Alors que 90 % des femmes qui n’ont pas d’enfant jeune sont actives, elles ne sont plus que 64 % avec deux enfants dont le plus jeune a moins de trois ans et 43 % lorsqu’elles vivent avec au moins trois enfants. Les femmes représentent 80 % des salariés à temps partiel et 50 % d’entre elles le justifient par des raisons familiales.”
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Un travail domestique gratuit
Un travail domestique qui n’est pourtant pas quantifié, et qui n’est justement pas considéré comme un “travail”. Pourtant, ce travail domestique permet de réaliser des économies d’échelle pour les hommes qui “jouissent du travail gratuit de leur conjointe”. “S’il était monétisé, comme l’imagine le cabinet de conseil Mackenzie, le périmètre restreint des tâches domestiques serait estimé à 292 milliards d’euros en 2010, soit 15 % du PIB. Vu qu’il est réalisé à 72 % par des femmes, cela fait donc 210 milliards d’euros féminins évaporés”, chiffre l’autrice.
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Des données qui donnent le tournis. Et des inégalités qui se poursuivent si jamais il y a divorce ou bien si l’homme décède avant la femme.
Pourtant, Lucile Quillet est en couple hétérosexuel, rêve de mariage et d’enfants. “Je n’ai pas écrit ce livre pour inciter les femmes à ne plus être en couple. J’ai voulu leur rendre justice, essayer de montrer ce à quoi elles renoncent et ce qu’on ne voit pas. L’argent n’était qu’un prétexte”, explique-t-elle. Avant de conclure : “Il ne s’agit pas de problèmes de femmes, mais d’une affaire de société”.
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