The Kills : "On recherche l’inconnu" - Les Inrocks
Portés par Ash & Ice,un cinquième album ténébreux où ils dévoilent leurs blessures, Alison Mosshart et Jamie Hince sont de retour, pour le plus grand bonheur des amateurs de rock foudroyant. Retrouvailles animées avec le duo américano-anglais, aussi affable à la ville qu’impressionnant à la scène.
Beaucoup de chansons d’Ash & Ice donnent une impression de vulnérabilité. Ce n’est pourtant pas la première fois que vous écrivez dans cette veine…Jamie Hince – Je crois que c’est la première fois que nous montrons notre vulnérabilité de façon aussi condensée. Avant, on le faisait par bribes. Cette fois, je ne voulais pas être trop théâtral, ni utiliser le langage du rock’n’roll, parce que ça n’aurait pas de sens en 2016. J’adore écouter tous ces groupes qui chantaient qu’ils voulaient se laisser pousser les cheveux pour faire peur aux profs (rires d’Alison), mais ça ne reflète pas vraiment le monde dans lequel on vit aujourd’hui. Je voulais m’exprimer honnêtement et avec exactitude.
Votre façon d’écrire a-t-elle changé sur ce nouvel album ?Alison Mosshart – On l’espère ! C’est toujours très difficile et c’est comme ça que l’on sait que ça évolue encore – parce que ce n’est pas acquis d’avance. Nous travaillons très, très dur. On propose tous les deux des morceaux et on essaie de les raccommoder en un seul pour obtenir une image des Kills, non pas une chanson écrite par moi ou lui. C’est une quête sans fin d’essayer de trouver ce son.Jamie – Après avoir été obsédé par la musique depuis aussi longtemps, on apprend ce qui fait qu’une chanson marche. Ça nous a pris du temps. On a débarqué sans aucun respect pour l’art du songwriting. Je n’ai toujours pas trop de respect pour ça…Alison – Je ne sais toujours pas comment faire ! (rires)Jamie – On apprend quand même ce qui fait qu’une chanson fonctionne. Mais en termes d’approche pour écrire une chanson, on est toujours aussi chaotiques. On essaie de trouver des façons différentes. On n’a pas de recette.Alison – Non.Jamie – Peut-être qu’on devrait.Alison – Trouver une recette ? Non.
Comment avez-vous envisagé les paroles cette fois ?Alison – On les écrit toujours tous les deux. C’est encore un album où on a écrit chacun une moitié. On verra si les gens devinent qui a écrit quoi. Ça m’étonne toujours : quand les gens essaient de deviner, ils se trompent tout le temps.Jamie – Même la femme qui a écrit notre bio. On lui a parlé des chansons en profondeur et à la fin elle ne savait pas trop…Alison – Elle a eu à moitié raison.Jamie – Les paroles, je trouve que c’est une torture.Alison – Moi, j’adore !Jamie – Elle adore ça. (à Alison) Tu envisages ça comme un instantané de ce que tu pensais à un moment précis. Alors que pour moi, c’est gravé dans le marbre à jamais ! (rires d’Alison) Je ne veux jamais que ce soit comme ça. Quand j’écris des paroles, un mois plus tard elles me paraissent datées et je veux les changer ! Donc je fais ça à la dernière minute et je trouve ça pénible. Cette fois, je voulais qu’il n’y ait aucun gras, aucun mot en trop. Ça me fait toujours bizarre de repenser à des paroles que j’ai écrites il y a des années. Il y en a quelques-unes dont je suis fier mais la plupart du temps, j’ai l’impression de lire des poèmes écrits par un gamin de quinze ans.Tu es fier desquelles ?Jamie – Baby Says… et c’est tout ! (rires) Ça me prend beaucoup plus de temps, non ?Alison – Oui.
Donc vous n’avez pas du tout la même approche ?Alison – Non. De mon côté, j’écris et je respecte ce qui me vient. Ça ne me pose pas de problème de lâcher prise parce que je me dis toujours qu’il y a une autre chanson à écrire après. Je ne m’attarde pas. J’adore écrire.Jamie – Oui, mais la question est de savoir si tu peux t’exprimer en une chanson de rock, avec des guitares et une mesure en 4/4, ce que je trouve vraiment restrictif. Peux-tu composer pendant deux heures, du début à la fin, et penser réellement tout ce que tu as écrit ? Non. La moitié, c’est une pose, des choses qui sonnent bien, des compromis qui riment. Voilà ce qui me torture là-dedans. Quand je me relis, je ne veux pas voir des choses qui sont là uniquement parce qu’elles riment ou qu’elles renvoient à des images originales.Alison – Ça ne me torture pas. Heureusement que l’un d’entre nous ne vit pas ça… Heureusement que cette personne, c’est moi ! (rires)
Ça vous arrive souvent d’avoir des ressentis complètement différents ?Jamie – Pas vraiment. C’est rare qu’on ait des opinions radicalement opposées… (rires d’Alison)Alison – C’est vrai.Jamie – On n’a pas de grosse dispute sérieuse, du genre : « On n’arrivera pas à se mettre d’accord ». Ça n’arrive jamais. L’une d’entre nous cède toujours (il la regarde), n’est-ce pas ? (rires) Parfois, je me prends pour un instructeur militaire et je réécris des trucs en corrigeant comme un prof.Alison – Oui, c’est super agaçant.
Comment expliquez-vous les cinq années qui séparent Blood Pressures d’Ash & Ice ? Est-ce que c’est lié uniquement aux opérations du doigt que tu as subies, Jamie ?Jamie – Non. Nous ne sommes pas un groupe à tubes, ce genre de groupes pop qui essaient désespérément de rester sous le feu des projecteurs. On fait un album et ensuite on part en tournée pendant deux ans et demi. Dans notre groupe, la tournée tient un rôle plus important que l’enregistrement d’un disque.Alison – On a fait beaucoup de concerts. On tournait encore l’an dernier. C’est vrai que Jamie a eu six opérations et que ça a impliqué une rééducation très longue. Il a fallu qu’il réapprenne à jouer de la guitare d’une manière différente.
Ça a pris combien de temps ?Alison – C’était très long.Jamie – A chaque opération, j’étais KO pendant deux mois, donc en tout ça fait douze mois étirés sur une période encore plus longue. Je ne peux toujours pas utiliser ce doigt. J’ai décidé de ne plus travailler avec parce que je trouvais que ça ne faisait qu’empirer les choses. C’est très douloureux. C’est devenu de la peau toute raide. Je ne peux pas trop le bouger.Alison – Ça s’améliore quand même un peu et tu arrives parfois à le bouger.Jamie – Oui. Quand j’étais remis sur pieds, on recommençait un peu les concerts.Alison – Oui.Jamie – On continuait la tournée. On faisait des petites réunions pendant que j’avais une attelle et on faisait le point pour voir si on pouvait reprendre les dates. Ensuite, je préparais ma main. Il y a un été où on a fait beaucoup de concerts entre deux opérations : on a joué avec les Arctic Monkeys, Jack White, les Black Keys, Queens of the Stone Age et hop, j’ai enchaîné avec une opération.
Comment tu t’y prends pour jouer de la guitare maintenant ?Jamie – Je dois réfléchir davantage et jouer les accords autrement. Je ne peux pas faire d’accord barré, donc j’ai dû trouver d’autres manières de jouer. Je suis devenu plus subtil avec ma main droite. Je préfère cette nouvelle façon de jouer. C’est plus réfléchi, même si ça fait mal. Enfin, ce n’est pas très compliqué de jouer de la guitare. Il y a plein de très grands guitaristes qui n’avaient aucun doigt ! (rires) Ou plutôt qui avaient des problèmes avec leurs mains ! Comme Django Reinhardt, qui avait deux doigts paralysés, mais qui était fantastique.
Avez-vous déjà joué vos nouveaux morceaux en live ?Jamie – Certains, oui.Alison – On revient du Mexique et du Texas où on a joué cinq nouveaux titres. Ça fait vraiment du bien d’avoir de nouvelles chansons à jouer.Jamie – Ça n’avait que trop tardé.Alison – Oui. Tu sais qu’il est temps de faire un nouvel album quand tu es sur la route depuis tellement longtemps, à jouer les mêmes chansons, que tu te dis : « Je tuerais pour avoir juste une nouvelle chanson à jouer ! » Ça change tout. C’est une joie immense en ce moment pour nous.Il paraît qu’il y a d’autres musiciens avec vous sur scène maintenant…Alison – Deux, oui : Scott aux claviers et aux parties de basse, et John à la batterie et à la programmation. Il y a beaucoup de choses différentes sur ce nouvel album que nous préférons jouer pour de vrai.Jamie – J’adore le côté polyvalent des boîtes à rythmes. Je n’ai jamais vraiment voulu avoir un batteur. Quand on a fait appel à des batteurs sur des tournées, c’était pour donner un côté plus humain. Plus humain visuellement, plutôt qu’au niveau du son. Quand on préparait ce nouvel album, j’ai senti que la section rythmique manquait un peu d’âme, donc j’ai voulu essayer de faire un album rempli d’âme, mais pas un album soul ! (jeu de mots avec le mot soul, « âme » en VF, ndlr)
Pouvez-vous essayer de décrire ce que vous ressentez sur scène ?Jamie (à Alison) – Ça, c’est vraiment ton territoire.Alison – Je me sens incroyablement bien. J’adore les concerts. C’est mon moment préféré. C’est une expérience excitante, libératrice, où tu vis l’instant présent. C’est comme marcher sur un fil, comme un funambule, et si tu fais une erreur tu dois continuer coûte que coûte. Je suis complètement accro à cette adrénaline. Aucun doute là-dessus. Je ressens ce manque dans ma vie quand on ne fait pas de live. Je n’arrive pas à décrocher.Jamie – Ça ne m’a jamais intéressé de jouer une réplique de l’album. Je n’ai jamais compris l’intérêt de tous ces groupes qui ont exactement le même son sur scène que sur leur album. J’ai toujours préféré entendre les postillons, le souffle de la respiration et les dents qui se cognent contre le micro. J’ai besoin de sentir que je suis bien là.Alison – Chaque soir, tu donnes une interprétation différente, qui est complètement influencée par l’énergie et le son de la salle, par ton état d’esprit du jour. Ce n’est jamais deux fois pareil : c’est justement ce que je trouve si excitant. Ça peut être génial ou très nul ! J’adore ça.
Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour la musique ?Jamie – Pour moi, il n’y a pas eu de déclic. Ça s’est plutôt propagé à feu lent en moi. Je me souviens d’un blouson que je m’obstinais à porter. Je l’appelais mon « blouson perruche » parce qu’il était doré et vert, comme une perruche ! (rires) Dès mon plus jeune âge, j’ai senti que l’impression que je donnais avec mon style était une chose cruciale. Evidemment, je décris ça avec mes mots d’adulte, mais c’était vraiment important à mes yeux. Je me rappelle que je voulais être différent et, d’une manière ou d’une autre, c’était lié au moment où j’ai commencé à écouter de la musique et à m’intéresser aux sous-cultures. J’ai soudain su que ce sentiment avait un rapport avec la musique.Alison – Oui.Jamie – C’était lié à ça. Ensuite, j’ai commencé à choisir des groupes à écouter de la même manière que je choisissais mon « blouson perruche ». C’était mon truc. J’ai commencé vers l’âge de quatre ans.Alison – C’est tout à fait pareil pour moi, ce même sentiment d’identité intense.Jamie – Je ne savais pas trop ce que c’était avant que la musique arrive.Alison – Tu adores tout de suite sans remettre en question quoi que ce soit. Je me suis mise à dévorer la musique. J’écoutais tout ce qui me tombait sous la main. Ensuite, tu commences à comprendre petit à petit ce qui t’emballe en musique, en art, en mode. J’avais neuf ans et je disais : « J’aime la musique punk, les skateurs et le dessin. Je ne veux pas porter de robe, mais je veux un blouson en cuir. »Donc la musique a toujours été liée à la mode et au style pour vous.Jamie – Pour moi, oui.Alison – Oui. Ce sont les premiers choix qui s’ouvrent à toi : qu’est-ce que tu vas porter aujourd’hui à l’école ? Qu’est-ce que tu as envie de manger ? C’est important parce que c’est la seule façon de faire entendre ta voix. Ça définit qui sont tes amis.Jamie – Je me souviens de mes premiers jours au collège, quand j’avais une dizaine d’années. Les élèves qui étaient en dernière année avaient environ seize ans…Alison – Des dieux vivants !Jamie – Ils sont comme des hommes mûrs alors que tu es un petit bébé à côté.Alison – Mais oui ! (rires)Jamie – (se lève et fait semblant d’avoir un cartable sur le dos, ndlr) J’étais comme ça, comme un nourrisson qui rampait derrière cet homme incroyable mais maigre, les cheveux teints en rouge, qui portait un blouson en cuir avec marqué « The Damned » au dos. Et là je me suis dit : « bordel ! » Il faisait peur, le genre de peur qu’on ressent quand on craque pour une fille, quand on est à la fois effrayé et attiré. C’est un sentiment incroyable.Tu connaissais The Damned à l’époque ?Jamie – Non, juste de nom. Il y avait aussi un autre mec, James Cordury, qui avait un frère. L’un était un mod, l’autre un punk. James, c’était le mod. Je ne me souviens plus du nom de son frère, mais c’était un nom cool. Il avait un blouson en cuir avec le mot « Stranglers » au dos. Je me disais : « Comment c’est possible ? Tu ne peux pas avoir un mot comme ça écrit en gros sur ton manteau ! Les Etrangleurs, c’est comme un meurtrier ! » (rires) C’était dingue. Je savais que c’était un groupe, mais je ne les avais jamais entendus.
Votre groupe a toujours mis un lien fort entre esthétique et musique. Vous êtes très impliqués dans les pochettes et les clips. Quelle était votre idée pour les visuels d’Ash & Ice ?Alison – Tout ça, ça vient une fois que les chansons sont écrites. Avant, ce n’est pas possible. Je ne veux jamais décider avant parce que ça change. Une fois que la musique est enregistrée, qu’on peut l’écouter et qu’on n’est plus complètement enveloppés à l’intérieur du son, c’est à ce moment-là qu’on peut le voir. Tu écoutes une chanson et tu as en tête une image.Jamie – Tu parles des clips ?Alison – Les clips, les pochettes, tout.Jamie – Oui.Alison – Ça se répercute sur tout : le décor sur scène, l’éclairage, quels vêtements tu vas porter… Tout s’ajoute au tableau. J’adore ça.Jamie – En fait, c’est un peu comme si quelqu’un te demandait : « ces dix dernières années, tu as fait toutes ces choses, pourquoi ? » (rires) Tu ne le sais pas vraiment jusqu’à ce que tu le fasses et c’est là que tu peux dire : « j’ai fait ça parce que… » Mais à l’époque, tu ne penses pas que tu vas faire telle chose parce qu’ensuite ça t’amènera là et que tu pourras prendre ce virage.Alison – Je ne sais pas si des gens sont vraiment comme ça. On a passé beaucoup de temps à L. A. parce qu’on était là-bas pendant deux mois et demi, dans une maison, pour travailler, écrire et enregistrer. Cet endroit s’est diffusé dans les paroles, l’imagerie et l’impression générale de l’album. Dans un deuxième temps, on est allés à New York, dans un environnement diamétralement opposé, pour finir l’album dans un sous-sol sans fenêtre. C’est ce qui a donné un côté parano et introverti à l’ensemble. Toutes ces choses comptent, qu’on le remarque sur le coup ou pas. Au final, on arrive à voir un peu de L. A. sur tel morceau, un peu de New York sur tel autre. C’est amusant de jouer avec tout ça quand on doit s’occuper du livret ou des clips.
Pourquoi Los Angeles ? Pourquoi New York ?Alison – Pourquoi pas ? Ce n’était pas intentionnel. On s’est juste trouvés là.Jamie – Comment ça, pas intentionnel ?Alison – Enfin si, ça l’était, mais c’était du genre : « Qu’est-ce qu’on fait après ? Et si on louait une maison à L. A. ? » On ne s’est pas dit : « Faisons un album de Los Angeles ».Jamie – Ça n’existe plus vraiment, un album de Los Angeles, si ?Alison – Non, non. C’était juste une idée différente qui nous semblait cool. On ne voulait pas se répéter.Jamie – On avait toujours enregistré au même endroit, dans le Michigan, au studio Key Club. On adorait ça parce qu’on était loin de toute distraction. On s’enfermait loin de tout, comme si on construisait une machine en secret.Alison – Il n’y a personne là-bas.Jamie – Il n’y a rien. On se sentait très productifs niveau créativité. Mais c’est aussi un peu dur émotionnellement de se retirer de tout. Cette fois, on ne voulait pas faire un disque en secret parce qu’après tout nos vies ne sont pas comme ça. S’ouvrir aux occasions venues de l’extérieur et absorber un peu ce qui se passe : c’est déjà ce que l’on fait en tournée, et on trouve ça stimulant et inspirant. C’était bizarre de ne pas appliquer cette idée à notre façon d’enregistrer, mais ça nous avait toujours fait peur.Alison – Ça nous a fait du bien d’aller ailleurs. Pour avoir un son différent et une ambiance différente, il ne fallait pas qu’on retourne au même endroit où on enregistre toujours, même si on l’adore. C’était un peu trop facile. Alors on a essayé cette idée dingue de fabriquer un studio dans une maison, ce qui a amené 1001 problèmes. (rires) Ensuite, on est allés à New York pour le terminer parce qu’on avait vraiment besoin d’un vrai studio, pour arrêter de réparer des trucs toute la journée. Je crois qu’on peut entendre tous ces lieux.
Jamie, comment s’est passé ton voyage à bord du Transsibérien express ? Ça a duré combien de temps ?Jamie – Deux semaines.Alison – C’est incroyable, toute la distance parcourue…Jamie – 6 000 miles (soit environ 9600 km, ndlr).Alison – C’est fou.Jamie – En fait, je pensais que l’on pourrait s’arrêter et aller se promener dans les villes. Comme personne ne parlait anglais, je n’ai découvert que quelques jours après le départ que l’arrêt le plus long durerait dix minutes ! (rires) Je réfléchissais à des choses qui ne m’avaient jamais traversé l’esprit. Les sixième et septième jours, je n’arrivais pas à écrire assez vite pour suivre mes pensées sur les liens entre physique et magie. J’avais des théories selon lesquelles un super espion scrutait tous nos faits et gestes, alors que je suis athée. Tout ceci a l’air complètement ridicule maintenant que je suis revenu à la réalité. J’ai rempli des pages et des pages. C’était comme si mon cerveau s’auto-nettoyait.Alison – C’est vraiment fou de quitter toutes ses habitudes pour se rendre au milieu de nulle part. J’ai fait pareil quand je suis allé à Hedgebrook, sur une petite île au large de Seattle. C’était un programme pour les femmes auteurs-compositrices. Tu vis dans un petit cottage indépendant, sans voir personne. Il n’y a ni internetni téléphone. Rien. Je n’ai jamais été aussi surexcitée de toute ma vie. Je n’ai pas arrêté de créer, d’écrire, de peindre… C’était incroyablement libérateur. Je peux seulement comparer ça à l’époque où j’avais environ seize ans, avant internet, quand je m’occupais toute seule pendant des heures et des heures à écrire.Jamie – (en train de feuilleter son carnet de voyage du Transsibérien, ndlr) J’ai recopié toutes ces phrases en russe.Alison – C’est beau.Jamie – Celle-ci veut dire « Elvis est le roi » ! Celle-là, je ne sais plus trop… (en montrant un paysage qu’il a dessiné sur une double page, ndlr) Voilà typiquement ce que l’on voit à travers les vitres du Transsibérien express : des bouleaux argentés et l’obscurité.
A quoi avez-vous renoncé pour la musique ?Jamie – Excellente question. A la sécurité, à des amis, à des femmes, à des chiens…Alison – A tout le reste. Tout dépend de la façon dont on veut voir ça. On peut facilement sombrer en y réfléchissant, mais on peut aussi être reconnaissant de pouvoir faire ce qu’on adore alors que peu de gens ont cette chance. C’est ce que j’ai tendance à me dire.Jamie – Oui, les avantages dépassent les inconvénients. Ce que l’on a perdu, c’est assez intéressant. Quand on en parle, on se sent plus héroïque ! (rires d’Alison)
Regrettez-vous l’époque où vous n’aviez encore rien sorti et personne n’attendait quoi que ce soit de vous ?Jamie – Je n’ai aucune nostalgie.Alison – Moi non plus.Jamie – Je crois que la nostalgie, c’est vraiment dangereux. C’est particulièrement stupide si tu fais partie d’un groupe à guitares parce que c’est justement ce qui détruit le rock’n’roll, le fait de regarder tout le temps en arrière. Ça nous arrive parfois de repenser à cette époque où on n’attendait rien, où on se contentait de se balader en voiture. Mais je crois que si tout ça est aussi palpitant, aussi pur et génial, c’est parce que tu sais que tu es au début d’un voyage. Ce serait déprimant d’être à la fin du voyage et de faire ça. Le but, c’est de tout faire pour aller de l’avant.Alison – On recherche l’inconnu. Il n’a pas disparu : il prend d’autres formes, c’est tout.
nouvel album Ash & Ice (Domino), sortie le 3 juinconcerts le 14 juin à Clermont-Ferrand, le 1er juillet à Marmande (festival Garorock), le 2 à Hérouville-Saint-Clair (festival Beauregard), le 3 aux Eurockéennes de Belfort, le 14 à Carhaix (Vieilles Charrues), le 15 à Biarritz (Big festival), les 18 et 19 octobre à Paris (Olympia), le 31 à Lyon et le 8 novembre à Nantes