Critique resto Knuckles : pour une restauration responsable
La critique de restaurants prend un nouveau virage à La Presse. Comme toujours, nos critiques vous racontent leur expérience en soulignant les bons et, parfois, les moins bons coups. Mais nous vous expliquons désormais le choix d’un restaurant ou d’un autre. Nous vous présentons aussi l’équipe en salle et en cuisine. Cette semaine : Knuckles cantine et vins.
Publié le 21 nov. 2021Iris Gagnon-Paradis La PressePourquoi en parler ?
Établi dans la rue Jarry Est depuis septembre 2020, Knuckles cantine et vins est un autre de ces (courageux) établissements qui ont décidé d’ouvrir en pleine pandémie, d’abord sous forme de comptoir, en misant sur ses « knuckles » — des chaussons frits en forme de poing fermé, qui ont inspiré le nom de l’endroit — et quelques plats de saison, qui nous avaient fait bonne impression lors de notre première visite, l’automne dernier. Depuis, le restaurant qui propose une cuisine canadienne d’influence italienne a décidé, sans tambour ni trompette, de passer à un menu exclusivement végétarien. Une deuxième visite l’été dernier, sur la jolie terrasse, nous avait charmée. Nous avons voulu voir comment leur proposition avait évolué, un an plus tard.
Qui sont-ils ?
À la base, le projet du Knuckles est l’idée de Matthew Shefler, auquel s’est rapidement greffé le chef Vincent Lévesque Lepage. Le premier a surtout travaillé comme mixologue — avant la pandémie, il s’occupait de la carte des cocktails du Mousso et du Petit Mousso —, le deuxième, lui, est passé par des établissements comme le Hoogan & Beaufort. En salle et en cuisine (ouverte), ils sont appuyés par une petite équipe tissée serré, sympa et accueillante. C’est après quelques mois d’activité que le chef a désiré pousser plus loin son approche locavore et le plus zéro déchet possible en offrant un menu végé : « Ma philosophie, c’est d’apporter un côté éthique en cuisine. En tant que chef, en 2021, on se doit de donner l’exemple. »
Notre expérience
Exigu, festif et chaleureux : voilà comment on pourrait résumer le Knuckles. Avec son local étroit, qui permet d’accueillir une trentaine de convives, on se sent rapidement au chaud dans cet établissement du quartier Villeray. L’endroit ne s’affiche pas comme un restaurant végétarien, et c’est voulu ainsi ; on pourrait s’y attabler sans même le remarquer. Quand cela arrive, le chef dit qu’il a accompli sa mission.
Ces temps-ci, le client du Knuckles a droit à un menu automnal, réconfortant et roboratif, divisé entre de petits plats de légumes et des assiettes de pâtes fraîches. Il faut goûter au moins une fois les knuckles, inspirés par la recette de panzerotti de la grand-mère italienne de Matthew. « Pizzas-pochettes de luxe », elles ont une pâte frite gonflée d’air, juste assez craquante sous la dent, et leur garniture de pulpe de tomates, origan et trois fromages (parmesan, pecorino et mozzarella) rend véritablement hommage aux racines de la cuisine italienne : des produits de qualité qu’on laisse briller sans les dénaturer.
Pas de doute, le chef est un technicien hors pair, qui travaille énormément ses préparations et use de nombreuses techniques (absolument tout, sauf le pain, est fait maison), tout en mettant de l’avant des saveurs punchées, très affirmées.
Il y a vraiment des plats épatants et étonnants à la carte du Knuckles, du genre que vous ne goûterez nulle part ailleurs.
Le meilleur exemple est sans doute cette entrée de racines de persil rôties — dont le goût délicat s’apparente au panais — qui trônent sur une purée de topinambour et un beurre noisette monté à l’ail noir, tous deux d’une onctuosité incroyable. Sur le dessus, des champignons matsutake crus, en fines lamelles, permettent d’apprécier ce produit de saison dans sa plus pure expression, alors que du panko frit au beurre vient ajouter de la texture. À s’en lécher les doigts.
L’assiette de betteraves, avec ses croûtons au levain et sa feta maison (avec le lait bio Missiska) servie sur une purée de prune lactofermentée (une très belle idée, qui amène profondeur et rondeur) et surmontée de fleurs de fenouil marinées, offre une version automnale et réussie de la traditionnelle panzanella.
Cela dit, certains plats manquent d’équilibre, comme le monochrome plat de brocoli. Le crucifère est rôti directement sur le charbon, et servi refroidi (une idée qui ne nous a pas convaincue), enrobé d’une purée verte réalisée à partir des trimes du brocoli, puis accompagné d’un condiment d’herbes, de chips de riz et de laitue de mer et de poudre de levure fraîche caramélisée. Un plat intense qui manque de délicatesse, où le goût umami l’emporte sur le reste.
Les strozzapreti de blé entier sont certes savoureux, mais pas le plat plus harmonieux de la soirée : s’y croisent des courges al dente au goût de fumée prononcé, l’amertume du rapini et de la sauge et, notre élément favori, une crémeuse et légèrement relevée sauce infusée d’un condiment de piments portugais brûlés au gril, puis lactofermentés, qui illustrent bien comment le chef utilise les aliments de saison toute l’année en les transformant.
Nous avons préféré la simplicité du spaghetti chittara : de dodues pâtes aux jaunes d’œuf (de la ferme Noëka) absolument parfaites, une sauce très goûteuse, réalisée à partir de tomates heirloom très mûres et de basilic, de la mozzarella de bufflonne du Québec et des tomates cerises confites. Un classique à la sauce locale, qui fait mouche.
Malgré le manque d’appétit, le devoir nous appelle : il faut goûter au dessert, un trio de choux à la crème fouettée, mignon comme tout, fourré ici d’une compotée de pommes, là d’une crème pâtissière à la camerise ou à l’argousier. Exquis !
Dans notre verre
1/2C’est Matthew qui sélectionne le vin au Knuckles. Sans être sommelier, il fait preuve d’un bon flair et se laisse guider par son instinct… et ce que lui-même a envie de boire. Une chose est certaine : nous avons les mêmes goûts. Des vins (et quelques bières) faciles à boire et provenant des principales agences québécoises d’importation privée (Boire, Vitriol, Ward & Associés, Bacchus, Primavin…) axés sur la culture en biodynamie, avec plusieurs petites perles à découvrir, souvent en quantités limitées. Vous pourrez profiter d’une belle sélection au verre. Même s’il a senti le besoin de s’éloigner de la mixologie, le copropriétaire a toujours dans son sac deux ou trois options du moment pour ceux qui voudraient commander un cocktail. Osez vous y aventurer : vous ne serez pas déçu.
Combien ?
Deux knuckles vous coûteront 12 $. Les plats de légumes varient de 15 $ à 20 $ ; les pâtes tournent autour de 25 $ et le dessert se détaille à 15 $. Quant aux vins, il y en a pour tous les portefeuilles, avec quelques petites raretés qui peuvent dépasser la centaine de dollars pour ceux qui en ont le goût et les moyens.
Bon à savoir
Les végétariens seront évidemment aux anges ici ; pour les véganes, ce sera plus difficile, la plupart des assiettes intégrant du beurre, des œufs ou des produits laitiers.
En raison de l’exiguïté du local et de ses escaliers à l’entrée, le Knuckles est difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite.
Information
Knuckles cantine et vins est ouvert du mercredi au samedi, dès 17 h. Les réservations sont hautement recommandées.
241, rue Jarry Est, Montréal
Consultez le site de Knuckles cantine et vins