Maison Standards, la marque de vêtements aux prix justes

Maison Standards, la marque de vêtements aux prix justes

Le manifeste de Maison Standards ? “Vous avez le droit de savoir.” Depuis 2013, la marque propose des basiques fabriqués de façon éthique et responsable, au prix totalement transparent. Existant uniquement sur le web, la marque explique sur son site chaque étape de fabrication d’un vêtement et son coût associé, pour en finir avec les marges astronomiques. A l’occasion de l’inauguration de la boutique – seule et unique de la marque – repensée par le décorateur Mathias Kiss, rencontre avec son fondateur Uriel Karsenti.

Vous avez un riche parcours dans la mode à différents niveaux : direction générale, développement de produit ou développement de réseau de distribution chez des marques comme Barbara Bui (mode femme), Jean Bourget (mode enfant) ou Pierre Hardy (accessoires). C’est en travaillant à divers échelles au sein d’une entreprise de mode que vous vous êtes rendu compte des problèmes qui l’habitaient ?

Uriel Karsenti –Ces expériences très différentes m’ont permis de tirer des conclusions sur la mode et sur les dysfonctionnements de l’industrie. La philosophie que j’avais de la mode était très contradictoire avec ce que je vivais. On parle de gâchis, du rythme des collections, de la façon d’envisager un produit afin qu’il parle le mieux à un client. J’ai eu envie de lancer Maison Standards en réponse à tout cela : la marque a un territoire de produits très fort, avec des collections permanentes et un mode de distribution qui lui convient. J’ai centré mes efforts sur le « standard » : un produit classique, permanent, juste, beau, très simple, épuré, consensuel, avec l’idée que ce produit pouvait se vendre de manière privilégiée, en direct avec le client. Je crois que le rapport entre les marques et les clients a changé, les gens le notent depuis longtemps. Maison Standards a récemment participé à des conférences « anti fashion », on a vu beaucoup de directeurs artistiques au sein même de la mode et du luxe prendre la parole sur les dysfonctionnements de la mode. Je pense qu’on est nombreux à partager un certain constat.

Ce qui est difficile pour beaucoup de marques, c’est d’arriver à en sortir ! Car il y a un modèle qui fonctionne, qui est difficile à casser. Quand on lance une start-up out un nouveau projet, c’est le moment où on doit mettre tout à plat et se dire quelles sont les bonnes bases. Avec Maison Standards, j’ai voulu avoir un projet vertueux dans une marque qui est intégrée verticalement. Tous les métiers sont présents dans notre projet : on crée nos produits, mais on essaie aussi de créer notre propre modèle de distribution, un langage avec le client qui est différent.

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Ce nouveau langage, c’est le digital ?

Les marques qui ont autre chose à dire sont très présentes sur le digital. C’est une façon d’accéder au client de manière directe. On a une seule boutique qui existe depuis un an et demi, qui est notre showroom. Sinon, toutes les transactions se passent sur le site web, où on explique également notre manifeste et notre façon de fonctionner.

On essaie d’aller à l’essentiel. Cette phrase est très courte et peut dire tout et n’importe quoi, mais ça veut dire : tant dans le produit que dans la façon de travailler le projet et la communication, on essaie d’aller à l’essentiel d’un produit. On veut travailler un produit qui va se vendre. Il n’est pas question pour nous d’envisager des produits qui ne se vendent pas et ajoutent au gâchis généré par la mode. Si on veut proposer un prix accessible, il faut couper certains coûts : les intermédiaires, les distributeurs, les zones de stock.

C’est aussi très important pour nous d’éditer : c’est pour ça qu’on a des collections qui grandissent progressivement, avec très peu de produits au début (au départ la marque n’avait que 5 produits : une chemise oxford, un t-shirt, un sweat, un pull, un t-shirt, NDLR), puis on a élargi à la silhouette entière, en introduisant le pantalon et les accessoires.

Vous affichez une totale transparence au niveau des prix, fait rare dans l’industrie de la mode. En période de soldes, vous avez même proposé à vos clients de choisir entre trois types de prix correspondant à trois niveaux de couverture des coûts. Cette honnêteté participe à la décrédibilisation du reste de l’industrie : si on connaît le prix d’une chemise produite de façon éthique, les comparaisons avec les autres marques – et la détection des abus – est facile. Saviez-vous que vous alliez lancer une telle remise en question ?

A partir du moment où on a existé sur le digital on s’est dit que c’était important de s’adresser au client de façon transparente : comme le client est en direct avec nous, il a une exigence différente. Il attend de nous qu’on puisse expliquer le prix juste. Il y avait deux motifs à cette transparence : d’abord, répondre à une attente de clients qui demandent de l’information. Je ne sais pas s’il veut absolument savoir combien a coûté son produit, mais en tout cas il veut savoir dans quelles conditions il a été fait et pourquoi on a fixé ce prix.

La deuxième raison, c’est qu’effectivement il y a peut-être dans l’idée de la transparence l’envie de justifier sa qualité : nos vêtements sont fabriqués dans des usines qui fabriquent des marques haut de gamme et d’où sortent les mêmes pantalons qui sont vendus trois fois plus chers à côté. C’était important pour nous montrer que ce soit en Chine au Maroc ou au Portugal, nos produits sont fabriqués avec de belles matières par des ouvriers qui ont un vrai savoir-faire. C’était ça l’idée de la transparence, ce n’était pas tant de provoquer le marché.

Prend-on un risque à révéler les « dessous » de la production textile ?

La mode est un métier qui doit faire rêver, c’est important. Je pense qu’en disant tout ça on prend forcément des risques. Quand on prend la parole sur les réseaux sociaux à propos de nos valeurs, notre client adhère absolument à ce qu’on fait. Maintenant je crois que la force et la fierté du projet aujourd’hui ce sont quand même ses produits avant tout. Si vous faites de très bons produits au prix justifié, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Communiquer sur ce prix est un élément en plus pour nous. Stratégiquement, c’était important pour nous de s’ancrer dans nos différences.

Pensez-vous que l’intérêt accru pour les conditions de fabrication est une simple tendance en accord avec l’air du temps, ou avez-vous l’impression de véritablement changer la mode ?

C’est une très bonne question. Les gens ont envie de d’être rassurés sur les conditions dans lesquelles le produit a été travaillé, et donc c’est pour ça qu’on veut montrer les usines, afin de se rassurer sur les conditions de fabrication et les conditions humaines de travail après les drames qui sont arrivés en Asie ou en Inde. Sur le web, la voie qu’on a choisie, les gens parlent beaucoup et échangent beaucoup. On ne peut pas faire le malin. Quand on ouvre une porte il faut aller jusqu’au bout. C’est notre grande question : faut-il être systématique dans la transparence, est-ce qu’elle ne fatigue pas le client, est ce que c’est indispensable à chaque niveau ?

C’est une tendance de fond évidente, qui va se poursuite de manière évidente, et je crois que même les marques de luxes vont s’y mettre. Il y a des marques de luxes aujourd’hui qui font du « made in Italy » sur des produits fabriqués en Inde. Cela ne peut plus durer, à un moment donné, il y a une désaffection du client. Je pense qu’en France les clients sont parfois un petit peu réticents à trop d’information, et il faut qu’on l’écrème, qu’on la rende accessible. C’est notre grand challenge : arriver à trouver le bon mot et la bonne façon de le faire.

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Maison Standards, 25 rue de Poitou, Paris IIIe.