Lucie Jeannot : “La mode green peut être très punk”
Lucie Jeannot, cheffe de projet mode du salon Première Vision, nous fait part de sa représentation du futur de la mode et de la manière dont celle-ci éclaire les changements sociétaux.
Passée par l’Atelier Chardon Savard puis la maison Christian Lacroix, Lucie Jeannot œuvre aujourd’hui en tant que cheffe de projet mode chez Première Vision. Ce salon professionnel travaille un an avant les fashion weeks à la définition des couleurs et des tendances textiles à partir desquelles la mode construira les collections à venir.
Sa branche ausculte d’un œil de sociologue la vie d’aujourd’hui pour comprendre les choix et les envies qui définiront les styles de demain.
Quelles sont les tendances sur lesquelles vous aviez misé pour l’été 2022 et qui se sont avérées vraies ?
Juste après le confinement, nous avions pressenti un désir de sensualité, pour ne pas dire très, très cul. C’est bien ce que l’on a découvert chez Miu Miu notamment, avec des ouvertures sur le corps et un rétrécissement des coupes. Nous l’avons analysé comme une envie de garder le confort acquis, mais aussi de montrer son corps, de sortir, de se montrer, de se faire beau et d’être sensuel. Nous voyions une proximité entre sensualité et écologie : ces coupes près du corps introduisent de nouvelles fibres et matières, et désacralisent la mode green. On a envie d’être irrévérencieux en passant par l’écologie et aussi vis-à-vis d’elle. Écologie ne veut plus dire punition : on fuit un discours moralisateur pour aller vers une innovation textile qui permet de nouvelles possibilités dans l’expression de soi. L’écologie, comme le sexe, peut être très punk.
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Que pensez-vous de la mode Y2K actuelle, soit le retour des années 2000 ?
Ce n’est pas neuf à proprement parler. Cela fait plusieurs années que l’on observe le label PC Music ou la musicienne Hannah Diamond jouer de cette esthétique. C’est rassurant, c’est fun, c’est familier, comme le revival un peu caricatural de Blumarine aujourd’hui. Mais attention, il s’agit d’une citation sélective : on choisit ce que l’on veut raviver d’une époque donnée. Par exemple, le Y2K ne pas référence à l’effondrement des tours ; on choisit plutôt les débuts de Kim Kardashian et de Paris Hilton. Finalement, un revival peut être une forme de jeu de tarot dans lequel on projette ce que l’on a envie de lire et de voir, et ce qui en dit le plus sur soi.
Première Vision est partenaire du grand prix du jury mode du Festival de Hyères – qu’avez-vous remarqué concernant la sensibilité et l’approche des finalistes ?
Les finalistes ont tous montré des choses que l’on avait observées, comme les questionnements autour de la performance des tissus, de la fonction augmentée de la matière. Et il y avait un jeu de contraires : plus c’est mini, plus c’est épais, ce que l’on voit aussi sur les podiums, à la manière d’une jupe en maille épaisse comme un pull. Aussi, on remarque un regain d’intérêt pour la couture. Quand j’étais étudiante, elle était associée à des collections poussiéreuses destinées aux mariages. Aujourd’hui, elle devient un secteur qui permet de développer un concept et de se démarquer. Balenciaga en est l’exemple parfait avec le lancement récent de sa collection couture, reflétant une envie de made-to-measure, de pièces uniques… sans jamais perdre de vue que les looks doivent être plus instagrammables !