L'huile de palme est-elle vraiment obligatoire dans le lait infantile ?
Depuis le remaniement du gouvernement, Emmanuelle Wargon est secrétaire d’État en charge de l’Écologie. Elle travaillait auparavant pour Danone et, dans le cadre des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence qui ont eu lieu en juillet dernier, alors qu'elle était toujours directrice des affaires publiques du groupe, elle a affirmé : "L'huile de palme, on en a besoin pour les laits infantiles, c'est l'un des produits essentiels pour les laits infantiles". Depuis qu'ils sont réapparus, ces propos font beaucoup parler, et pour cause : la production de cette huile est un désastre écologique, il y a donc lieu de se demander si une personne affirmant ce genre de choses peut vraiment défendre cette cause. Pour savoir si elle avait raison, le Huffington Post a interrogé deux experts.
L'huile de palme, indispensable dans les laits infantiles ?
Pour le pédiatre et nutritionniste Patrick Tounian, Emmanuelle Wargon a "tout à fait raison". "L'huile de palme, présente dans quasiment tous les laits infantiles, permet d'approcher le plus possible la composition du lait maternel", explique le responsable de l'unité de nutrition pédiatrique de l'hôpital Armand Trousseau, à Paris. Son avis est partagé par le nutritionniste Anthony Berthou : "Un bébé a besoin de beaucoup de graisses, pour la construction de ses neurones comme du tissu cellulaire". Or, le lait maternel contient de l'acide palmitique, qu'on trouve dans l'huile de palme, et les nourrissons ne peuvent pas se passer de cet acide gras.
Si l'huile de palme est sur la sellette depuis plusieurs années, c'est parce que sa production pose de gros problèmes écologiques, mais aussi parce qu'elle peut être dangereuse pour la santé. Toutefois, elle l'est surtout pour celle des adultes, explique le Professeur Patrick Tounian : "Chez certains adultes, les acides gras saturés peuvent être dangereux, notamment car ils peuvent entraîner l'augmentation du taux de cholestérol". Là encore, Anthony Berthou confirme : "Quand ils sont associés à d'autres types de nutriments, le sucre notamment, les acides gras ne sont pas sans danger". Pour les deux spécialistes, il ne faut donc pas forcément bannir ce produit, mais, comme pour tout, il faut le consommer avec mesure dans le cadre d'une alimentation équilibrée.
Peut-on remplacer l'huile de palme dans les laits infantiles ?
Anthony Berthou reconnaît les vertus de l'huile de palme dans les laits infantiles et ne la contre-indique pas pour cette raison, mais il la "déconseille pour des raisons écologiques et environnementales". Comme le rappelle le Huffington Post, la production d'huile de palme est un vrai désastre pour la planète, puisqu'elle a, entre autre, entraîné la déforestation de plus de 130 000 hectares de forêt en Indonésie. Or, la destruction des forêts est responsable de 12 à 15% des émissions d'effets de serre d'origine humaine. Par ailleurs, dans ces zones, la biodiversité diminuerait de 85%. Il y a donc lieu de se demander si ce produit ne pourrait pas être remplacé par autre chose dans la composition des laits infantiles pour qu'ils soient plus écolos.
D'après les deux spécialistes, c'est possible. "On peut par exemple conserver les graisses du lait de vache mais il faudrait y ajouter dans tous les cas d'autres formes de graisses végétales indispensables pour l'enfant", explique Patrick Tounian. Mais l'huile de palme reste une solution de facilité, économique et pratique pour les fabricants, indique Anthony Berthou : "Le profil de cette huile est intéressant, elle est très stable, pas chère, facile à travailler, donc elle plaît beaucoup aux industriels".