Givenchy, Nina Ricci, Schiaparelli: l’air du temps

Givenchy, Nina Ricci, Schiaparelli: l’air du temps

Par Matthieu Morge Zucconi Publié , Mis à jour

FASHION WEEK - Pour l’hiver prochain, ces trois maisons emblématiques de la mode parisienne proposent des vestiaires audacieux en phase avec notre époque et ses obsessions, de la transformation des garde-robes au digital.

Chez Nina Ricci, le duo Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter s’inspire de l’air du temps… Au sens propre, puisque le bouchon aux deux colombes de cristal du mythique parfum de la maison est repris sous la forme de spectaculaires boucles d’oreilles transparentes et de pendentifs. Et au sens figuré, à la fois, dans la manière de resserrer leur collection («Nous avons tout de suite réfléchi à la façon de réduire le nombre de looks, pour les adapter à la période, en écartant certaines idées “trop” glamours: nous voulions garder les pieds sur terre»), de travailler les matières (nylons délavés très sportswear et lainages traditionnels) ou encore de concevoir des vêtements convertibles et transformables pour affronter toutes les situations. Des surchemises multipoches aux duffle-coats amples (à écharpe intégrée) et aux costumes portés sur un genre de K-Way à capuche, chaque vêtement est pensé pour se fondre dans une garde-robe du quotiden. «Nous avons toujours en tête les principes chers à Mme Ricci, soit proposer une couture accessible, ancrée dans la réalité. C’est le concept de ce vestiaire que l’on peut modifier à sa guise», décrypte Lisi Herrebrugh. Comme d’autres créateurs qui voient l’hiver prochain en couleurs, le tandem exploite avec talent des rose dragée, des vert absinthe, des jaune fluo et surtout, un bleu Klein qui dynamite les cols amovibles comme les chaises, restées vides, du défilé filmé et retransmis vendredi dernier.

Esthétique industrielle

Dimanche, Givenchy donnait à la salle de concert Paris La Défense Arena des airs de boîte de nuit… déserte. «Nous aurions aimé y défiler devant un public. J’ai toujours été très inspiré par la musique, qui est liée à la manière dont j’ai découvert la mode, explique Matthew Williams, son directeur artistique, qui a notamment créé des costumes de scène pour la chanteuse Lady Gaga et collaboré avec Kanye West. Je participais à leurs tournées, enchaînant les concerts dans des salles de cette taille.» Éclairés par un faisceau de lumière, des jeunes femmes et hommes marchent au rythme martial de la techno minimale de Robert Hood. Pour qui connaît la maison de l’avenue George-V par la haute couture de son fondateur, Hubert de Givenchy, le dépaysement est grand.

Givenchy, Nina Ricci, Schiaparelli: l’air du temps

Certes, cette deuxième collection du Californien nommé en juin 2020 revisite les codes tels que l’emblème 4G (en fermoir de sacs, en chaînes ras-du-cou et en motifs sur des tops moulants), le noir et le blanc ou encore les épaules structurées. Mais elle doit plus aux looks des sœurs Jenner et Kardashian (qui ont toutes posté sur Instagram, en amont du show, une photo d’elles en Givenchy) qu’à la petite robe noire d’Audrey Hepburn… Entre les hommes encagoulés aux mitaines en fausse fourrure de la taille de gants de boxe et les femmes engoncées dans des robes en maille ne laissant que peu de place à l’imagination (révélant les seins nus ou les fesses par transparence), le vestiaire donne dans le spectaculaire, tendance fétichiste. Reste les très beaux costumes, masculins comme féminins, mis au point dans les ateliers couture de la griffe - le cadenas à l’esthétique industrielle proposé par Williams dès son arrivée au studio remplace les boutons d’une veste. Et le nouveau sac à dos à unités amovibles prévu pour accueillir, entre autres, deux gourdes. «Parfois, on transporte beaucoup de choses. Parfois, on en transporte moins.» Voilà qui a le mérite d’être pragmatique…

Place Vendôme, Daniel Roseberry exulte: «Je fais de la mode pour les gens qui adorent la mode!» Depuis son arrivée chez Schiaparelli, le Texan s’installe en digne héritier du travail d’Elsa Schiaparelli, la plus surréaliste des couturiers. «Tout a commencé avec des formes classiques de la garde-robe: une parka, une veste en jean, une petite robe noire, une chemise en popeline blanche… Je les ai ensuite transformées, avec des boutons rappelant les bijoux historiques de la maison, en forme de nez, d’oreilles, etc. Je veux mettre en avant le corps dans sa totalité, pas seulement les parties qu’on sexualise.»

Une coque de téléphone, image d’ouverture de la vidéo de présentation diffusée lundi, représente une oreille démesurée dorée. Le genre de détails opulents, photogéniques, dont raffolent les jeunes générations. «Tout est pensé pour la période digitale. Je ne dis jamais aux gens qu’ils devraient voir la collection en vrai pour en mesurer l’impact: je veux qu’on puisse la comprendre à travers l’écran. Pour moi, c’est ça, Schiaparelli!» Le plus sage, au final, ce sont ces robes fluides «rose shocking», ce fuchsia indissociable de Schiap. «Parce que c’est rafraîchissant, joyeux. En ce moment, les gens ont plus que jamais besoin de sourire!»