Gender fluid, e-girl, normcore 2.0... Les six profils mode qui vont marquer l'année
Les années 2010 ont bousculé les codes. Ceux des différences homme-femme, d’abord, avec l’émergence d’une mode no gender. Ceux du luxe, ensuite, renouvelé par l’apport stylistique du streetwear - une hybridation qui affole les compteurs et fait chauffer les cartes bancaires à l’heure du click and pay globalisé. Enfin, impossible désormais pour le secteur de passer à côté du réveil écologique : adieu fast fashion, bonjourupcycling.De plus, les réseaux sociaux, nouveaux laboratoires de style, sont venus « disrupter » les faiseurs de tendance historiques.
Une identité en construction
Résultat : en 2020, la rue se fait plus créative, plus métissée, plus audacieuse. Avec, pour chacun, le même désir : être à la fois unique et faire partie du groupe. «Nous sommes toujours en quête de nouvelles identités, analyse Fanny Parise, anthropologue et chercheuse associée à l’université de Lausanne. À travers la consommation de différents éléments identitaires, comme la mode, l’individu se bricole une représentation du monde, chaque pièce constituant une facette de sa personnalité et de son style de vie. La somme de ces pièces va ainsi construire son individualité.»
Les années à venir s’annoncent fragmentées ; les tribus mode, toujours plus cryptées, constamment «réinitialisées», notamment via les pratiques numériques, qui accélèrent le tempo des tendances. Pour Fanny Parise, le groupe qui invente la plupart des codes de demain est celui des moins de 20 ans. «Les adolescents trouvent perpétuellement de nouvelles stratégies pour se mettre en scène : des sous-cultures codifiées, qui leur permettent, notamment au travers du digital, de structurer des microrites de passage vers l’âge adulte… souvent incompréhensibles pour les autres.» Bref, jeunes ou moins jeunes, nous sommes tous la somme de plusieurs identités, réelles ou virtuelles, tous versatiles et pluriels. À nous, donc, de bricoler notre look 2020 !
1. La normcore new-look
Sa panoplie : jogging eighties, bob, maxibaskets… La neonormcore crée son vestiaire avec des basiques revisités, à logos discrets. Inventé dans la seconde moitié des années 2000, le termenormcore(pour normal et hardcore, soit hypernormal) désigne un mouvement esthétique qui fait un pas de côté vis-à-vis des tendances. En résumé, un look no look ultratravaillé. Le king du genre est Demna Gvasalia, le directeur artistique de Balenciaga, qui brouille sans arrêt les pistes entre banal et sublime.
Ses icônes :Eddy de Pretto, qui semble être tombé dans la marmite quand il était petit. Citons aussi la jeune chanteuse Angèle, Hailey Bieber ou l’artiste Aloïse Sauvage, toujours en sweat XXL.
Son slogan : «J’espère qu’on ne voit pas que ça m’a coûté 500 euros.»
Kit de démarrage : un hoodie ample floqué «University of Columbia», des baskets Reebok Aztrek × Gigi Hadid, ou des Track Balenciaga.
2. La sexy athleisure
Sa panoplie : athleisure, mot formé de athletic et de leisure (loisir), synthétise à lui seul les années 2010, qui ont vu fusionner sportswear et couture. Souvent en leggings, la créature athleisure ne fait pourtant pas de yoga, mais plutôt du shopping pour assouvir sa passion des talons de 12 cm et des sacs logotypés (Louis Vuitton, Balmain, Jacquemus, Dior). En 2020, elle a pris un tournant sexy, assumant un corps parfois voluptueux et une mode plus inclusive. Pour elle, le naturel est une notion abstraite, et la sophistication une vocation.
Ses icônes : elle a pour saintes patronnes Rihanna, Kim Kardashian et ses demi-sœurs Kendall Jenner et Kylie. Chez nous, elle aime aussi la chanteuse Aya Nakamura, queen du street bling. Et en version couture, Adèle Exarchopoulos.
Son slogan : «Trop, ce n’est jamais assez.»
Kit de démarrage :des pièces Fenty, la marque de Rihanna chez LVMH.
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— SB Raceway Mon May 09 18:59:04 +0000 2016
3. La néo-Parisienne libérée
Sa panoplie : pour aller chercher une baguette, elle enfile sa robe portefeuille fleurie et son cardigan court tricoté main. Sur la bouche, un rouge signature. Née sur Instagram, cette Parisienne 2.0 fait le pont entre Arletty et Birkin, entre Piaf et Bardot. Délicieusement rétro, elle habite le XIe arrondissement de Paris, mais aussi à Dubaï, Los Angeles ou Rennes. Car qu’importe le code postal, pourvu qu’on ait l’attitude.
Ses icônes :Lily-Rose Depp l’incarne à merveille, surtout à l’export, entre French touch et aura internationale. Jeanne Damas en a fait le centre de sa marque, Rouje : ligne de vêtements, collection de make-up et, désormais, cantine branchée. Dans la même veine, bienvenue à la jeune Sabina Socol, aux faux airs de Bardot période baby doll, chouchoute des marques comme Lancôme ou Marc Jacobs.
Son slogan : « Le panier, c’est mon it-bag. »
Kit de démarrage : blouse à motifs petits cœurs Rouje, jupe fleurie, sandales à bouts carrés de chez Jacquemus.
4. La e-girl
Sa panoplie : on la croirait tout droit sortie d’un manga. Maquillée façon kawaï, arborant une chevelure pastel, la e-girl («e» pour emo ou emocore, soit emotional hardcore, violence émotionnelle) est une sorte de recyclage de la gothique japonisante des années 1990, mais version Tik Tok. C’est en effet sur ce réseau social qui monte que l’e-girl prolifère. Des millions de vidéos lui sont consacrées. Pour résumer, c’est un peu Avril Lavigne avec son look rock-skate des années 2000, réinitialisée en 2020 par les réseaux numériques.
Ses icônes :Margot Robbie en Harley Quinn dans le film Suicide Squad. Mais surtout Billie Eilish, chanteuse américaine de 18 ans. Avec sa moue déprimée, ses cheveux verts et ses looks délibérément baroques (souvent signés Gucci, Burberry, Prada), elle incarne à merveille cette tribu protéiforme et inventive.
Son slogan : «C’est quoi, le code wifi ?»
Kit de démarrage : un pantalon multipoche signé Vetements. Noir, forcément.
5. La VSCO girl
Sa panoplie : son nom est tiré d’un filtre numérique - VSCO, prononcer «visco» - permettant de retoucher des photos façon happy. Cheveux blonds de surfeuse rehaussés d’un chouchou, bracelets brésiliens, couleurs flashy, ce nouvel avatar de la «fille populaire du lycée» a vu le jour sur les réseaux sociaux, notamment Instagram, où les occurrences se comptent par millions. Nature mais hyperconnectée, écolo-friendly et parfois raillée pour sa superficialité, elle ne se sépare jamais de sa gourde et de sa paille recyclée.
Ses icônes :Millie Bobby Brown, la star de la série Stranger Things, et Emma Chamberlain, jeune vlogueuse américaine hilarante, repérée par Louis Vuitton (8,6 millions d’abonnés sur YouTube). Citons aussi Lana Del Rey ou Elle Fanning. Sinon, la VSCO girl adore Greta Thunberg, mais pas pour son style, évidemment.
Son slogan :«OK boomer !»
Kit de démarrage : un look difficile à adopter passé 20 ans. Optez pour les sandales Birkenstock, que les VSCO girls adorent. Mais préférez une collab créateur.
6. La gender fluid
Sa panoplie : entre David Bowie et Tilda Swinton, elle hésite. Pourquoi choisir quand on peut brouiller les pistes et prendre le meilleur ? Souvent flamboyante, la gender fluid de la mode aime les créateurs politisés, expérimentaux, tels Rick Owens, Alexander McQueen (à la grande époque), ou ceux qui poussent le curseur à fond dans le baroque unisexe (Alessandro Michele pour Gucci) ou dans le croisement des genres (Anthony Vaccarello pour Saint Laurent).
Ses icônes : Jared Leto, Chris (ex-Christine and the Queens), Charlotte Gainsbourg, Cara Delevingne et surtout Kristen Stewart, égérie Chanel.
Son slogan : «Le sexy, je laisse ça aux filles genrées.»
Kit de démarrage : un costume d'homme Saint Laurent.