Le nationalisme français ne doit pas devenir un christiano-fascisme
EcoutezOn peut aimer la France et soutenir des options patriotiques sans pour autant verser dans le délire mystico-dingo de certains cathos-tradis-conspis qui méritent, au bout du compte, le qualificatif un peu infamant d'extrémistes. L'intégrisme religieux chrétien de certains militants de la cause nationale est une vraie plaie… pour la cause nationale.
Il ne faut pas s'étonner qu'une grande majorité de la population puisse encore s'accommoder du gauchisme (fût-il des plus sectaires) ou du mondial-centrisme à la Macron. La cause nationale transformée en cause catho-intégriste ne fait pas rêver grand monde, surtout dans une Europe post-chrétienne et post-moderne où les fidèles catholiques sont peu nombreux. Ce modeste article trace un portrait de ces nouveaux inquisiteurs qui s’imaginent sauver la France uniquement par la vertu, la prière et la confession, ou pire, en rétablissant ordalies et bûchers. La bigoterie, surtout lorsqu'elle s'assortit de haine irrationnelle et de paranoïa, est une impasse terriblement impolitique. Et je précise que l'auteur de ces lignes est lui-même catholique… modéré.
Mort aux philosophes !
C'est d'abord pour des motifs intellectuels et culturels que les vrais patriotes se doivent de rompre avec ces milieux. On connaît leurs thèses, d'une simplicité désarmante. Pour ces conspirationnistes chrétiens, tout est à jeter, si ce n'est quelques grands penseurs chrétiens incontestés tel que saint Thomas d'Aquin. Ce vice a été dénoncé dans La paille et le sycomore sous le nom d'hyper-thomisme.
Cet hyper-thomisme se coule d'ailleurs dans un défaut révisionniste majeur, le médiévalisme, qui consiste à idéaliser ou à angéliser le Moyen Âge dans les mêmes proportions où l'idéologie officielle le diabolise et le rabaisse. Or, en Histoire, les légendes dorées ne valent pas mieux que les légendes noires. La rupture avec les grandes falsifications officielles n'autorisent aucunement à verser dans de petites falsifications tout aussi morbides, quoiqu'en mode inversé.
Du coup, nos braves philosophes païens de l'Antiquité deviennent des penseurs anecdotiques, puisqu'ils ne pratiquaient pas la bonne religion (Aristote n'étant loué que parce que saint Thomas s'en inspire). Quant aux philosophes modernes et contemporains… Tous des instruments du Diable qui complotent contre l’Église ! Et pour peu que ces philosophes soient protestants, athées, juifs, psychanalystes, ouvriéristes, évolutionnistes, modernistes, leurs noms sont noyés dans les torrents de haine qui polluent internet. À l'extrême, cette attitude va jusqu'au rejet de toute science post-médiévale.
Dans la haine anti-intellectuelle de nos cathos-tradis-conspis, on croisera Descartes, Galilée, Rousseau, Marx, Freud, Darwin, Nietzsche : tous des reptiliens dont les doctrines ont détruit notre civilisation ! Inutile de préciser que nos conspirationnistes ne connaissent de ces penseurs qu'une demi-douzaine de contresens devenus des clichés.
Police des mœurs à l'eau bénite…
J'ai le regret de vous l'apprendre, chers lecteurs, lorsque nos cathos-tradis-conspis auront pris le pouvoir (j'en doute, quoiqu'en politique, rien ne soit logique), ce sera quéquette-blues pour tout le monde ! Vous connaissiez déjà la misère socio-économique ou identitaire ? Pas suffisant. Bientôt ce sera (si ce n'est déjà fait) la misère sexuelle.
Ce tournant moralisateur s'observe depuis quelques années, notamment dans les milieux cathos-tradis proches d'Alain Soral. Comme le complot sioniste commençait à lasser les gens, il a fallu se rabattre sur le complot des pédophiles-reptiliens-qui-dominent-le-monde-et-que-ça-explique-tout. Évidemment, chez Soral, si le pédophile, en plus, a des origines juives, c'est le jackpot ! Un créneau porteur qui marche à tous les coups…
Le problème, c'est que de fil en aiguille, d'amalgame en amalgame, de parano en parano, ce fut très rapidement le complot de tous ceux qui baisent en dehors des liens sacrés du mariage. Le monde délirant des conspirationnistes s'est alors peuplé de fornicateurs écologistes ou d'homosexuels de gauche, dont les débauches expliqueraient à elles seules la crise économique, le Grand Remplacement, l'incendie de Notre Dame, le handicap de votre petite-fille ou encore le sale caractère de belle-maman.
Les conséquences ont été du plus haut comique, mais d'un comique assez mauvais au final. J'ai connu des cathos-tradis s’imaginant que les procès Polanski (pour affaires de mœurs) allait « faire péter le Système ». J'en ai entendu d'autres affirmer que les banderoles homophobes de quelques supporters de foot malpolis allait – tenez-vous bien – sauver la France !
Ces gens n'ont décidément rien compris. Il n'ont pas compris que la politique – comme d'ailleurs la physique ou les mathématiques – possède des règles autonomes. La théologie (fondamentale ou morale) ne saurait régler les questions fondamentalement politiques. Par exemple, il ne suffit pas de prier Notre Seigneur Jésus-Christ et de pratiquer la chasteté (si vous êtes célibataire) pour créer de l'emploi ou pour récupérer les zones de non-droit infestées de voyous.
Mais ces considérations de bon sens, nos tradis-natios-conspis n'en ont rien à fiche. Ce qui les intéresse, en réalité, ce sont les histoires de fesses : ils ont cette gourmandise malsaine des puceaux et des frustrés. Si vous laissez deux cathos-tradis dans une pièce, vous êtes sûrs qu'au bout de dix minutes, la conversation va porter sur la fornication ou la sodomie. Je crois que le grand Freud aurait bien des choses à dire sur la question !
En consultant des sites internets – particulièrement dégueulasses – de cette mouvance, j'ai pu constater que ces gens rêvaient d'installer en France une sorte de République islamique d'Iran, mais version catholique. Bref : ils pensent sauver la France en promouvant la police des braguettes et des alcôves. Ordalies et bûchers vous dis-je, il n'y a que cela de vrai ! Chez les protestants, cela donnerait une sorte de République de Gilead à la Margaret Atwood.
Au final : dépression et soumission.
C'est une contradiction, et pas la moindre, de ces prétendus nationalistes français qui veulent sauver le Trône et l'Autel, le sabre et le goupillon, le Christ et le Roi… On constate – et c'est flagrant chez ceux qui sont proches de Soral – une complaisance à l'islam, une islamophilie, patente ou latente, peu importe, mais toujours très présente. Il faut dire que le moralisme répressif de la charia doit susciter quelque émulation chez ces gens qui, pour les plus radicaux d'entre eux, souhaitent carrément le rétablissement de l'Inquisition (et des supplices qui vont avec). La Bible et le Coran ne sont pas le même livre, mais il y a une manière intégriste de lire la Bible qui la transforme en une sorte de Coran, c'est-à-dire davantage une somme de prescriptions juridiques qu'un recueil de textes narratifs miraculeux.
Il faudra bien alors que ces intégristes cathos se décident un jour : que veulent-ils sauver ? La France, un pays joyeux, tolérant, bon-vivant, où on laisse un peu respirer le peuple ? Ou bien le fantasme sadique et paranoïaque d'un catholicisme retourné à la fin du Moyen Âge ? Être catholique, c'est bien. Mais donner le pouvoir à des punaises de sacristie, c'est déjà l'enfer sur Terre. Pardonnez-moi, Seigneur, si j'ai offensé vos fidèles…
Illustration : adaptation cinématographique de la Servante écarlate.