Carrelage : comment éviter les sinistres des sols carrelés
Batirama.com 13/09/20210Le dernier rapport* de l’AQC montre que les pathologies des revêtements de sol intérieur sont en première ligne du Flop 10, en nombre et en coût de réparation. Voici le rappel de quelques préconisations.
Légende : dégradation des joints du sol carrelé
Pas de surprise, les pathologies des revêtements céramiques restent une des plus récurrentes dans le flop 10 récemment publié par l’observatoire de la Qualité de la construction (1). Si le corpus normatif abondant (DTU, règles professionnelles, voir encadré) est en constante évolution, il faudra sans doute quelques années avant d’observer une régression de ces pathologies, avec la modification des pratiques qu’induira l’évolution des textes de référence.
Selon Jean-Pierre Thomas, directeur technique adjoint de la branche Construction du groupe Stelliant, ces pathologies engendrent des coûts moyen de réparation de 11 000 euros en résidentiel.
Rapporté au coût de la construction d’une maison individuelle (à partir de 100 000 euros en primo-accession), ce coût de réparation est important (10 % du coût de la maison).
Inadaptation du support en résidentiel dans 40 % des cas
Les données détaillées sur les pathologies proviennent d’un rapport AQC réalisé par Jean-Pierre Thomas il y a 4 ans. Cet ouvrage (Sols carrelés - Points de vigilance) analyse 428 rapports d’expertise couvrant 333 dossiers, sur une période de 12 ans. Le délai de déclaration de ces sinistres est en effet particulièrement long et varie de 6,1 ans après réception en pose collée, à 7 ans en pose scellée.
Plus de 40 % des cas relèvent d’une inadaptation du support en résidentiel (chape, plancher, ancien revêtement), souligne J.P. Thomas. Autre enseignement : plus d’un cas sur trois concerne une insuffisance de collage ou de scellement en non résidentiel. Enfin, un cas sur quatre concerne une absence ou insuffisance de joint.
Autre information : 90 % des pathologies concernent des bâtiments résidentiels, dont la moitié en logement individuel (43 % pose collée, 37 % pose scellée) et l’autre moitié en collectif (66 % pose scellée).
La taille des carreaux n’a pas d’impact sur les pathologies
L’expert relève que la taille des carreaux n’a que très peu d’impact sur la sinistralité observée, tout comme le type de carrelage (terre cuite, émaillé, grès cérame…). De même, la présence ou non d’un plancher chauffant ou encore les conditions météorologiques de mise en œuvre ne sont pas des facteurs de sinistralité.
En revanche, les conditions de mise en œuvre sont davantage impliquées dans les sinistres. Et ces pathologies revêtent trois formes principales dont la fissuration dans 64 % des cas étudiés. Les deux autres formes concernent d’une part le décollement (descellement et soulèvement) et d’autre part, la dégradation superficielle des carreaux, la détérioration des joints entre carreaux, la glissance…
La fissuration des carreaux est surtout liée à la pose scellée
Ainsi, la fissuration des carreaux (64 % des cas) est une pathologie affectant trois fois plus la pose scellée que la pose collée. En effet, elle a été relevée dans 49 % des cas de la pose collée mais aussi et surtout dans 92 % des cas de la pose scellée (soit 44 % de la totalité des cas étudiés).
Quelques explications sur la fissuration : elle est provoquée par le lent (et même très lent) retrait différentiel du mortier de pose du carrelage scellé désolidarisé (accru par son épaisseur). Ce retrait favorise son raccourcissement en partie inférieure alors qu’il est contrarié par l’adhérence aux carreaux en partie supérieure. Le délai d’apparition du phénomène est lié à la perte en eau du mortier qui ne peut se faire que de façon très lente par la seule évaporation au travers des joints de carrelage.
Résultat, ce retrait génère un effort de cisaillement, dit effet « bilame » entre carreaux et support et un effort de flexion dans les carreaux, d’où leur rupture (effet de cintrage du mortier de scellement et du revêtement, jusqu’à la fissuration).
Notons par ailleurs, que le carrelage scellé peut être posé sur une sous-couche isolante (destinée à amortir le bruit de choc lié à la marche sur le revêtement dur). Or, le retrait et le cintrage du lit de mortier peut poinçonner la sous-couche isolante et générer l’apparition de vides sous-plinthe en périphérie.
Fissuration et surdosage de ciment et insuffisance de joints de fractionnement
Deux facteurs peuvent accroître ce phénomène de retrait amplifié et donc la fissuration : le surdosage en ciment (une réduction des dosages a été prévue en locaux P2 et P3 dans le DTU 52.1 depuis 2010) et une exposition à l’ensoleillement (face à une porte-fenêtre orientée Sud par exemple).
A noter que les effets sont accrus en cas d’absence ou d’insuffisance de joints de fractionnement (surtout aux seuils ou aux angles rentrants) ou de joint périphérique. Le retrait se traduit en effet par un raccourcissement du mortier de pose dont l’effet des mouvements peut être en partie compensée au niveau des joints de fractionnement, qui sont donc véritablement nécessaires.
Autre pratique pouvant accentuer la fissuration des carreaux : l’absence de mise en œuvre d’un ravoirage pour incorporer les canalisations qui va affaiblir localement l’épaisseur de scellement et sa résistance.
Soulèvement de carrelage collé
Les autres pathologies : le décollement de carreaux en pose collée
Associés à plus de 80 % à la pose collée (4,7 ans en moyenne après la pose), les décollements de carreaux peuvent être dus à :
A noter : Attention de ne pas propager le dommage ! Comme précisé dans l’annexe B du DTU 52.1 P 1-1 et l’année A du DTU 52.3-2 P 1-1-3), il ne faut pas laisser le carreau endommagé en l’état. Il est en effet primordial de procéder à la réparation de la zone concernée dès qu’un défaut est constaté, afin d’éviter une extension des dommages.
Un double encollage est requis sur ce type de carreaux grand format (au-delà de 60 cm x 60 cm) dont la pose au sol ne concerne que les locaux classés au plus P3 et E2 (sans siphon de sol). La planéité du support est limitée à 3 mm sous la règle de 2 m et un 1 mm sous réglet de 20 cm. Le DTU préconise une chape fluide ciment ou sulfate sous Avis Technique ou Document Technique d’Application, une chape traditionnelle (DTU 26.2), une dalle béton + enduit de sol certifié QB. Ces carreaux peuvent être posés sur un plancher chauffant à eau chaude (NF DTU 65.14) ou réversible avec canalisations en matériau de synthèse sous certaines conditions. A noter pour le marouflage, des carreaux battus, pressés et encore mieux vibrés. |
Sols carrelés : de nombreuses normes à connaître
Pour les autres configurations
Textes normatifs relatifs aux supports
A signaler également pour les carrelages muraux, la publication récente de Règles professionnelles Pose collée des revêtements céramiques grand format, très grand format, et format oblong en murs intérieurs en travaux neufs de janvier 2021, acceptées par la C2P, ce qui fait entrer cette pose dans les techniques courantes reconnues par les assureurs. |
*L’observatoire de la qualité de la construction a collecté les données 2020 des quatre dispositifs d’observation de l’Agence qualité construction (AQC), dont le dispositif Sycodès (rapport des experts appelés par les assureurs lors de la mise en œuvre de l’assurance Dommages-Ouvrage).
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy