Bruit et nuisances sonores - Légitime tranquillité - Décryptage - UFC-Que Choisir
© R. KLUBA/REALégitime tranquillité
Publié le :22/10/2020 Partager sur FacebookPartager sur Twitter>Bruits de voisinage, nuisances sonores émanant d’activités commerciales, artisanales ou industrielles... Préjudices causés par un chantier, un aéroport, un parc éolien... De tels désagréments sont susceptibles de nuire à la santé de l’homme, voire de porter atteinte à son patrimoine. Heureusement, la réglementation est là qui permet à chacun de faire valoir ses droits et de les faire respecter. Si des bruits ou d’autres nuisances viennent troubler votre tranquillité, ce décryptage est fait pour vous.
SOMMAIRESonomètre de rigueur
Le bruit, même à un faible niveau sonore mais de manière prolongée, peut avoir des effets néfastes sur la santé (stress, insomnies...). Les perturbations varient d’un individu à l’autre et selon le contexte. Elles dépendent de la durée du bruit, de son intensité et de sa répétition dans le temps. Le sommeil étant fondamental pour l’individu, les bruits nocturnes sont les plus à craindre pour la santé : irritabilité, anxiété, fatigue, diminution de la vigilance et même troubles cardiovasculaires et augmentation de la tension artérielle peuvent survenir. En matière de bruits d’activités provenant notamment de commerces, d’ateliers artisanaux ou d’activités industrielles, la recherche d’une éventuelle infraction implique de procéder à des mesures acoustiques à l’aide d’un appareil nommé sonomètre.
Le bruit doit être mesuré
La perturbation provoquée par un bruit n’est pas uniquement liée à son niveau d’intensité propre, mais aussi à l’environnement sonore dans lequel il apparaît. Pour prendre en compte ces deux paramètres, l’agent chargé du contrôle mesure « l’émergence globale », c’est-à-dire la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit incriminé, et le niveau de bruit résiduel (niveau sonore en l’absence du bruit en question).
Le bruit provenant d’activités commerciales, industrielles ou artisanales ne doit pas être la cause d’un dépassement, par rapport au bruit ambiant, de plus de 5 dB(A) le jour (de 7 heures à 22 heures) et 3 dB(A) la nuit (article R. 1336-7, code de la santé publique). Certains bruits, bien que de faible intensité, sont néanmoins gênants car très aigus ou très graves. C’est le cas notamment de celui qui émane des compresseurs frigorifiques, des ventilateurs ou des climatiseurs. « L’émergence spectrale » permet de les détecter. Elle correspond à la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier dans une fréquence donnée (en Hz), et le niveau de bruit résiduel dans la même fréquence.
Bon à savoir. Il n’y a pas d’infraction lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, ne dépasse pas 25 dB(A) si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou 30 dB(A) dans les autres cas (article R. 1336-6, code de la santé publique).
Notre conseil Pour faire réaliser gratuitement une mesure, contactez les services d’hygiène de la mairie ou de l’agence régionale de santé, ils sont équipés d’appareils homologués pour mesurer le niveau de bruit.
Priorité au premier installé. En principe, une action pour trouble anormal de voisinage n’est pas envisageable si votre voisin bruyant était là avant vous. En effet, il n’y a pas lieu à indemnisation si l’activité gênante existait déjà au moment où la victime des nuisances a acquis son habitation, ni même lorsque cet ouvrage était déjà projeté et connu publiquement (article L. 112-16, code de la construction et de l’habitation). Les juges ont refusé d’indemniser une personne qui, avant l’édification de sa maison mais après une déclaration d’utilité publique et une enquête publique, était en mesure de connaître les caractéristiques d’un projet de voie rapide et les nuisances que celle-ci était susceptible d’engendrer (cour d’appel administrative de Nantes, 7 décembre 1994, n° 93NT00673). En revanche, l’argument de préexistence ne joue pas si les conditions d’exploitation ont changé et si le bruit a augmenté. Par exemple si l’activité s’est beaucoup développée au cours des derniers mois.
La mesure est pondérée selon la durée
Les valeurs limites de l’émergence sont normalement de 5 dB(A) en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB(A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures). S’y ajoute un correctif en fonction de la durée cumulée d’apparition du bruit particulier sur une journée. Plus la durée du bruit se prolonge, moins le correctif est important (art. R. 1336-7, code de la santé publique). Par exemple, un bruit qui dure entre 1 et 5 minutes sera pondéré de 5 dB(A), alors qu’un autre dont la durée est supérieure à 8 heures ne sera pas corrigé.
Quand les activités professionnelles dérangent
Le niveau sonore de la musique est réglementé
Discothèques, restaurants « karaoké », pianos-bars... Les établissements recevant du public et « diffusant à titre habituel de la musique amplifiée » sont soumis à des prescriptions strictes visant à concilier le fonctionnement de ces lieux avec le respect du droit à la tranquillité des riverains et la prévention des risques liés à l’exposition à de forts niveaux sonores (art. R. 571-25 à R. 571-28 et R. 571-96, code de l’environnement). À l’intérieur, le niveau sonore moyen est, depuis un décret du 7 août 2017, limité à 103 dB(A) contre 105 dB(A) auparavant et le niveau maximal à 118 dB(A) contre 120 dB(A) auparavant. Cette réglementation s’applique aux établissements dont la principale activité est la diffusion de musique, ainsi qu’à ceux qui ont une autre affectation (salles polyvalentes, bars...) mais qui en diffusent régulièrement. Elle a aussi été élargie aux lieux ouverts tels que les festivals en plein air. S’agissant des lieux clos, elle concerne les cinémas, les salles de meeting, etc. En revanche, ne sont pas concernées les salles dont l’activité est réservée à l’enseignement de la musique et de la danse.
L’exploitant des lieux est tenu de faire réaliser une étude de l’impact des nuisances sonores (EINS) comportant une mesure acoustique, ainsi que la description des dispositions prises pour limiter le niveau sonore et les émergences. Cette étude doit être mise à jour à chaque modification des locaux ou de l’installation de sonorisation. Ce qui, en pratique, n’est pas toujours le cas. Elle doit pouvoir être présentée à tout moment aux agents chargés du contrôle. À défaut, l’exploitant encourt une amende de 1 500 € (7 500 € pour une personne morale), la saisie du matériel, l’obligation de réaliser des travaux d’isolation, voire la fermeture provisoire de son établissement.
Bon à savoir. L’exploitant doit s’assurer du non-dépassement de la valeur d’émergence fixée par la réglementation, que les établissements soient contigus ou non avec des locaux d’habitation.
Des horaires pour les cafés, bars et restaurants
Chaque préfet prend un arrêté fixant les horaires d’ouverture et de fermeture des débits de boissons dans son département. En vertu de ses pouvoirs de police sur sa commune, le maire est quant à lui susceptible, en raison de circonstances locales particulières, d’accentuer les termes de l’arrêté préfectoral (avec des heures de fermeture moins tardives par exemple, ou une interdiction pour certains établissements de vendre de l’alcool pendant tels créneaux horaires, une interdiction de consommer de l’alcool à certaines heures et à l’intérieur d’un périmètre géographique particulier...). L’exploitant doit, en outre, veiller à ne pas nuire à la tranquillité du voisinage et à ne pas troubler l’ordre public (tapage nocturne, bagarres entre clients...). Renseignez-vous à la mairie afin de savoir si les horaires sont bien respectés. Si la gêne est excessive, contactez un huissier de justice pour qu’il vienne dresser un constat.
En cas de troubles, le maire commet une faute qui engage la responsabilité de la commune s’il ne prend aucune mesure visant à les faire cesser (cour administrative de Douai, 15 octobre 2009, n° 08DA01500). En cas de carence de l’autorité municipale, le préfet est en mesure d’utiliser son pouvoir de substitution et d’intervenir à la place du maire (article L. 2215-1, code général des collectivités territoriales). N’hésitez pas à adresser une lettre à votre maire.
Bon à savoir. En cas de persistance de la nuisance, le maire peut demander au préfet la fermeture administrative temporaire d’un établissement pour atteinte à la tranquillité publique.
Livraisons au plus tôt
La gestion des livraisons est délicate en secteur urbain. Il est nécessaire de concilier les contraintes liées au stationnement des camions le temps de leur livraison et les nuisances sonores qui en résultent. Rendez-vous à la mairie afin de savoir si le maire a pris un arrêté. Par exemple, à Paris, les livraisons sont autorisées :
S’il n’existe aucun arrêté dans la commune, rencontrez le maire pour lui demander qu’il en prenne un, afin notamment de fixer les conditions et les horaires de livraison.
Vous pouvez aussi engager une action au civil pour trouble anormal de voisinage. L’enseigne Monoprix a, par exemple, été condamnée par les juges au remboursement des fenêtres à double vitrage qu’un riverain avait été obligé d’installer pour se prémunir du bruit (arrêt de la Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 février 1999, pourvoi n° 97-13.812). La société Lidl a, quant à elle, été contrainte de construire un hall de déchargement insonorisé (arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 4 novembre 2004, pourvoi n° 03-13.142).
Notre conseil Vous n’êtes sûrement pas la seule victime. Regroupez-vous en association avec les autres riverains ou au moins à trois ou quatre voisins, vous aurez davantage de poids pour faire valoir vos droits et pourrez partager certains frais du fait de votre action conjointe (expert, huissier, avocat). Tentez, dans un premier temps, une résolution amiable. Allez voir le gérant du commerce dont les livraisons vous importunent. Il peut accepter de prendre contact avec la mairie pour que les pavés de la rue soient recouverts de bitume et que le transpalette fasse moins de bruit sur la chaussée, ou exiger du chauffeur qu’il coupe sa musique quand il décharge, demander à la société de livraison de prévoir deux livreurs afin que le déchargement soit plus rapide, etc. En cas d’échec, envisagez une action en justice contre le gérant pour trouble anormal de voisinage. Cette action est possible même si le professionnel respecte la réglementation en vigueur. Au préalable, constituez-vous des preuves en faisant établir un constat d’huissier ; ce sera une façon de conserver une preuve en dépit du caractère volatil du bruit. L’huissier mesure ainsi l’émergence du bruit, précise l’horaire, le revêtement au sol, décrit tout ce qu’il voit.
On peut agir contre les odeurs
En matière d’odeurs, rien n’est spécifiquement prévu par la loi, mais vous pouvez agir sur la base du trouble anormal de voisinage. Ainsi, un restaurateur a été condamné pour trouble anormal de voisinage du fait d’odeurs perceptibles à l’étage en raison du mauvais aménagement du local (filtres de la hotte insuffisants, ventilation effectuée en sens inverse), associées à des nuisances sonores dues à l’exploitation nocturne du restaurant et au bruit de l’extracteur et du compresseur (arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 11 juin 1997, pourvoi n° 95-10.152). De même, un atelier de peinture d’automobiles a été condamné pour trouble de voisinage en raison des odeurs d’hydrocarbures et du bruit liés à son activité. Pourtant, le garagiste avait obtenu les autorisations administratives nécessaires pour son installation. Les juges ont tenu compte des circonstances particulières. Ils ont notamment retenu que le professionnel était installé dans une zone urbaine et qu’il s’agissait des seules installations industrielles dans ce quartier résidentiel (arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 22 mai 1997, pourvoi n° 93-20.957).
Commerce au pied de l'immeuble : il y a des règles
Dans un immeuble, l’activité doit respecter le règlement de copropriété et plus particulièrement la clause précisant l’usage dudit immeuble. Le plus souvent l’usage du bien est mixte (habitation et commerces). Le règlement peut toutefois limiter ou interdire certaines activités (restaurants, poissonneries, pressings...) ou, inversement, prévoir une liste des seules activités autorisées. Elle ne peut alors qu’être indicative. Le règlement peut également permettre tous les commerces, à condition qu’ils respectent certaines règles concernant leur emplacement (uniquement en rez-de-chaussée par exemple) ou leur mode d’exploitation (pas de fabrication sur place). Sachez que tout copropriétaire peut saisir la justice afin d’obtenir la cessation de l’activité pour trouble anormal de voisinage, voire obtenir des dommages et intérêts, même si l’activité respecte le règlement de copropriété de l’immeuble dans lequel elle se trouve (arrêt de la Cour de cassation, 3e ch. civile, 29 février 2012, pourvoi n° 10-28.618).
Le vendeur ne doit rien cacher
Si l’acquéreur parvient à prouver que le vendeur a dissimulé une information pour le convaincre d’acheter, il peut demander des dommages et intérêts, voire faire annuler la vente pour « dol » (article 1137 et s., code civil). Le dol est une ruse, une tromperie utilisée pour vous conduire à conclure le contrat. Il peut aussi être constitué par le fait de taire une information. On parle alors de « réticence dolosive ». C’est sur cette base qu’un propriétaire a obtenu 30 000 € de dommages et intérêts de la part d’une SCI. Le vendeur était parfaitement informé que les logements qu’il avait construits se trouvaient au voisinage d’une société à l’origine d’importantes nuisances olfactives et sonores (fabrication et conditionnement d’huiles essentielles). Pourtant, quand l’acheteur l’a questionné sur les odeurs en provenance de cette société, il lui a demandé de prendre contact avec les services municipaux de l’urbanisme (arrêt de la Cour de cassation, 3e ch. civile, 25 mai 2011, pourvoi n° 09-16.677).
Bruyants chantiers
Les chantiers de travaux publics ou de construction ne doivent pas provoquer un bruit excessif « de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme » (article R. 1334-31, code de la santé publique). Mais les chantiers étant par nature des activités bruyantes, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ne sera reconnue que dans certains cas :
L’entrepreneur doit donc prendre toutes les précautions pour limiter le bruit et respecter les conditions d’utilisation ou d’exploitation de matériels. Il lui faut aussi respecter les éventuels arrêtés municipaux ou préfectoraux sur les bruits de chantier.
Renseignez-vous à la mairie (ou à la préfecture) pour connaître les conditions exactes de réalisation du chantier et les horaires autorisés. Des arrêtés municipaux (ou préfectoraux) spécifiques aux bruits de chantier peuvent imposer des règles plus sévères que ce que prévoit la réglementation (par exemple, une plage horaire réduite pour certains engins particulièrement bruyants tels que les marteaux piqueurs). S’ils ne sont pas respectés, demandez au maire qu’il envoie sur place un agent municipal assermenté afin qu’il constate la situation. Le trouble anormal de voisinage peut être reconnu par les juges, même si le chantier est parfaitement en règle (Cour de cassation, 2e ch. civile, 24 avril 1989, pourvoi n° 87-16.696).
Bon à savoir. Si d’importants travaux sont prévus près de chez vous, l’entreprise en charge des opérations va certainement diffuser une information (bulletin municipal, panneau d’information sur le site ou réunion de quartier). Vous aurez ainsi une idée précise de la gêne occasionnée, des mesures prises par l’entrepreneur pour réduire les nuisances aux riverains et de la date à laquelle les travaux seront terminés.
Aéroports : une aide pour insonoriser le logement
Les riverains d’un aéroport à fort trafic qui subissent une gêne réelle constatée par un plan de gêne sonore (PGS) ont droit à une aide financière destinée à poser une isolation phonique dans leur logement. Ce plan comporte trois zones, la zone I étant celle où le niveau de bruit est le plus fort. Cette aide ne concerne que les riverains des 12 plus grands aéroports français qui résident dans une zone couverte par un PGS, c’est-à-dire Bordeaux-Mérignac, Beauvais-Tillé, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Bâle-Mulhouse, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d’Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget, Paris-Orly, Strasbourg-Entzheim et Toulouse-Blagnac.
Pour obtenir une subvention, il faut remplir un formulaire « de demande d’aide à l’insonorisation » puis l’envoyer à l’exploitant de l’aéroport. Après accord écrit de ce dernier, vous devez faire réaliser une étude acoustique par un bureau d’études spécialisé puis l’envoyer à l’aéroport. L’expert énumère les solutions pour réduire le bruit et estime le coût des travaux. Il vous appartient de demander des devis aux entreprises de votre choix et de les adresser ensuite à l’exploitant de l’aéroport. L’aide se monte en principe à 80 % du prix des prestations réalisées. Elle peut atteindre 90 %, voire 100 % des dépenses, si vous disposez de faibles ressources.
À noter. La réalisation de l’étude acoustique est éligible à l’aide financière, et comme les travaux d’insonorisation, elle peut être remboursée. Attention, le riverain de l’aéroport doit exécuter les travaux dans un délai maximal de 2 ans à compter de la notification d’attribution de l’aide. Ce n’est qu’une fois les travaux réalisés et payés que l’aide lui est versée. À condition naturellement d’avoir pris soin d’adresser tous les justificatifs (factures acquittées) à l’exploitant. Toutefois, en début de chantier, les riverains ayant droit à un taux d’aide supérieur à 80 % peuvent recevoir, à leur demande, une avance sur l’aide en vue de verser des acomptes aux entreprises (article R. 571-87, code de l’environnement).
Notre conseil Ne procédez pas à l’étude acoustique ni aux travaux d’isolation phonique avant d’avoir obtenu l’autorisation expresse de l’exploitant de l’aérodrome concerné. Faute de quoi vous ne pourrez pas vous faire rembourser.
Les installations classées dans le viseur
Les usines, ateliers, dépôts et autres chantiers susceptibles de générer des dangers ou des inconvénients pour la commodité du voisinage, pour la santé, la sécurité, l’environnement ou la salubrité publique sont soumis à une réglementation propre à chaque activité (chimie, textile, agroalimentaire…) extrêmement sévère, au titre des « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE).
Ces activités sont énumérées dans une nomenclature qui les soumet à un régime d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration en fonction de l’importance des risques ou des inconvénients qu’elles peuvent engendrer (articles L. 511-1 et s., code de l’environnement).
Si vous êtes gêné par des bruits ou des odeurs provenant d’installations classées, adressez une lettre de plainte aux services de l’inspection des installations classées au sein de la Dreal, direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (hors élevages), ou de la DDPP, direction départementale de la protection des populations (élevages). Un inspecteur de salubrité sera délégué sur place afin de vérifier la conformité de l’entreprise aux lois et règlements.
Les éoliennes pullulent
L’éolien est une source de production d’énergie électrique en plein développement dans l’Hexagone. Par sa puissance, le parc éolien français se classe aujourd’hui au 4e rang européen derrière l’Espagne, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Cet essor n’est pas sans impact sur les riverains. Considérées comme des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), elles font l’objet d’une réglementation stricte quant à leur implantation.
Non-respect des règles d’urbanisme. En cas de manquement aux règles d’urbanisme imputable à un projet d’implantation d’éoliennes (permis de construire, enquête publique, étude d’impact), les riverains peuvent engager un recours administratif en vue d’empêcher la réalisation du projet. Le Conseil d’État a ainsi annulé un permis de construire de deux éoliennes de 120 m de hauteur pour des raisons de sécurité (arrêt du Conseil d’État, 27 juillet 2009, n° 317060). Dans une autre affaire au contraire, la cour administrative d’appel de Lyon a choisi de confirmer le permis de construire pour un parc de 12 éoliennes de 98 m de haut. Les juges ont estimé que « le projet […] s’inscrit, sans lui porter atteinte, dans un site traversé par la ligne du TGV Méditerranée et l’autoroute A7 où s’est largement développée une urbanisation diffuse tant en ce qui concerne l’habitation que les activités artisanales et industrielles » (cour administrative d’appel de Lyon, 3 février 2004, n° 03LY01697).
Bon à savoir. Les éoliennes dont la hauteur des mâts dépasse 50 m doivent être éloignées de 500 m des habitations (article L. 515-44, code de l’environnement).
Trouble anormal de voisinage. La jurisprudence n’est pas encore clairement établie quant à la reconnaissance des éoliennes comme trouble anormal de voisinage. Certains juges refusent en effet de reconnaître l’anormalité, « Nul n’étant assuré de conserver son environnement » (arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 21 octobre 2009, pourvoi n° 08-16.692), quand d’autres le font. La justice a condamné une filiale de GDF Suez à démolir 10 éoliennes implantées à proximité d’un château classé monument historique. Les juges ont accordé des dommages et intérêts aux propriétaires du château en raison notamment de préjudices esthétiques (dénaturation du paysage), auditifs (ronronnement et sifflement) et visuels (flashs blancs ou rouges toutes les deux secondes et phénomènes stroboscopiques). Ceux-ci, « de caractère tout à fait inhabituel, permanent et rapidement insupportable créent un préjudice dépassant les inconvénients normaux de voisinage » (jugement du tribunal de grande instance de Montpellier, 17 septembre 2013, n° 11/04549).
En appel, les juges ont confirmé le trouble anormal de voisinage et l’attribution de dommages et intérêts, mais ils se sont déclarés incompétents pour décider de la démolition des éoliennes (arrêt de la cour d’appel de Montpellier, 28 juillet 2015, n° 13/06957). Enfin, la Cour de cassation a confirmé que le juge judiciaire ne pouvait pas ordonner le démontage et l’enlèvement des éoliennes sur le fondement des troubles anormaux de voisinage car il n’était pas compétent. Le fait que les éoliennes soient soumises au régime des installations classées implique en effet la compétence du juge administratif (arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-25.526).
En conséquence, une action pour trouble anormal de voisinage est envisageable et peut aboutir à l’attribution de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ou même à l’obligation de prendre des mesures pour faire cesser les nuisances (par exemple des travaux), mais pas au démantèlement des éoliennes. Il n’est possible d’obtenir ce démantèlement que devant le juge administratif si l’installation n’est pas conforme à la réglementation.
Bon à savoir. Afin d’aider au développement de l’éolien, il a été décidé de supprimer un niveau de juridiction et donc de recours en cas de litige : les cours administratives d’appel sont désormais compétentes pour juger en premier et dernier ressort (décret n° 2018-1054, JO du 29 nov. 2018).
Antennes-relais, deux juges compétents
Même si elle est installée dans les règles, les juges reconnaissent parfois le trouble anormal de voisinage causé par une antenne-relais et octroient des dommages et intérêts. En revanche, seul le juge administratif est autorisé à en ordonner le démantèlement (arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 19 décembre 2012, pourvoi n° 11-23.566). Attention, le juge n’accueille pas favorablement le raisonnement fondé sur des risques potentiels pour la santé ou sur le principe de précaution. Pour obtenir une condamnation pour trouble anormal de voisinage, il faut donc s’appuyer sur une autre argumentation : préjudice visuel, dépréciation du bien… Il convient de démontrer que la nuisance subie excède les inconvénients normaux de voisinage, cette nuisance doit donc être importante.
Bon à savoir. Pour installer une antenne-relais sur le toit d’un immeuble, l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires est nécessaire. La décision requiert un vote à la majorité des voix de tous les copropriétaires (article 25). Si elle n’est pas atteinte et que le projet de résolution a recueilli au moins un tiers des voix, l’assemblée peut se prononcer dans un second vote immédiat à la majorité simple (article 24).
Ils ont obtenu (ou pas) gain de cause
Sanibroyeur trop bruyant
Un couple réalise des travaux pour rendre habitable un grenier. Les propriétaires de l’appartement situé au-dessous se plaignent de nuisances sonores et demandent, entre autres, l’enlèvement du sanibroyeur. Les juges de la cour d’appel rejettent leur demande en retenant que le bruit émis, s’il est excessif, peut être réduit. Le rapport de l’expert acousticien fait en effet apparaître que l’équipement produit un niveau de 40 dB(A) dans la cuisine des voisins et de 35,7 dB(A) dans leur salle à manger. Et que ce bruit, s’il est excessif, peut être réduit en confortant la descente d’eaux usées avec une plaque de plâtre et 30 mm de fibre minérale. La Cour de cassation, appelée à se prononcer, réaffirme que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et reproche à la cour d’appel de ne pas avoir ordonné la cessation du trouble qu’elle constatait, c’est-à-dire la réalisation des travaux préconisés par l’expert. Résultat, l’affaire doit être rejugée (Cass., 3e chambre civile, 5 octobre 2017, n° 16-21087).
Un locataire provoque des troubles
Dès lors qu’un propriétaire est informé des troubles de voisinage causés par son locataire, il doit agir en lui rappelant l’obligation d’user paisiblement des lieux loués et éventuellement engager une action en résiliation du bail. À défaut, sa responsabilité peut être retenue. Dans cette affaire, un locataire informe un bailleur des nuisances sonores qu’il subit et qui sont causés par un occupant de l’immeuble. Le bailleur adresse à l’auteur du trouble trois lettres recommandées. Sans effet. Le locataire décide d’assigner en justice le bailleur afin qu’il remédie aux troubles anormaux de voisinage causés par le locataire et qu’il soit condamné à verser des dommages et intérêts. La cour d’appel rejette cette demande en retenant que le bailleur, en envoyant les courriers recommandés à son locataire, a accompli des diligences adaptées et suffisantes et qu’on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir engagé une procédure judiciaire aléatoire visant à résilier le bail. La Cour de cassation ne se range pas à cet avis. Pour elle, le bailleur est responsable envers le locataire des troubles de jouissance causés par les autres locataires ou occupants de l’immeuble et n’est exonéré de cette responsabilité qu’en cas de force majeure (Cour de Cassation, 3e ch. civile, 8 mars 2018, n° 17-12536).
Avis d'expert : Christophe Sanson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine (92)
“Dans une société toujours plus individualiste, les bruits liés aux comportements humains sont difficilement acceptés par les citoyens. Les appareils domestiques bruyants – chaudières, climatiseurs, surpresseurs, pompes de piscines, etc. – sont à l’origine de nombreux contentieux. Si la tentative de résolution amiable ne donne rien, il faut aller devant le tribunal d’instance, muni de preuves telles qu’un constat d’huissier, de témoignages, pour obtenir en 6 mois environ une décision en justice afin qu’un terme soit mis au trouble. Autre source de nuisances sonores fréquente, le changement par son voisin du dessus du revêtement de sol, et par conséquent la dégradation de l’isolement acoustique. Ces dossiers nécessitent souvent le recours au tribunal de grande instance pour demander en référé la désignation d’un expert. Ce dernier va établir un rapport, dans un délai de 6 mois à 1 an, en comparant les bruits d’impact enregistrés dans un appartement pris en référence et dans lequel le voisin n’a pas changé le revêtement, et les bruits enregistrés dans l’appartement litigieux. Sur cette base, une transaction amiable peut être trouvée. À défaut, il faudra assigner en justice pour obtenir une décision des juges du fond. Ils s’appuieront généralement, pour condamner l’auteur des nuisances, sur la violation du règlement de copropriété ou sur la notion de trouble anormal de voisinage. Comptez au moins une année supplémentaire pour que soit rendue cette décision.”