Un désert de cacao, une avalanche de sucre
Qui se souvient de Groquik? Ce géant jaune en surpoids indéniable a été, pendant plus d’une décennie, la mascotte des publicités TV pour Nesquik. Accro à la poudre chocolatée, il martelait son «énoooorme envie», engloutissant des tasses gigantesques. En 1990, alors que l’obésité devenait un thème majeur de santé publique, Nestlé a remplacé son corpulent personnage par Quicky, un lapin svelte et sportif.
La marque, comme ses concurrents, s’est alors appliquée à façonner une image positive de ses produits. Et les fabricants y sont si bien parvenus que ces boissons sont aujourd’hui considérées par de nombreux parents comme un élément incontournable et sain du petit-déjeuner de leurs enfants. Mais est-ce vraiment le cas? Avec notre partenaire On en parle (RTS-La Première), nous avons demandé à Nicoletta Bianchi, diététicienne HES au Service de nutrition clinique du CHUV, de se pencher sur la liste des ingrédients de quinze produits achetés dans des grandes surfaces.
Dose journalière vite atteinte
Le bilan est stupéfiant. Alors qu’on pourrait légitimement supposer que l’ingrédient principal de ces boissons est le cacao, elles contiennent, en fait, essentiellement du… sucre ajouté! Et pas qu’un peu: ce dernier représente, dans la grande majorité des produits achetés entre 70% et 80% du poids total. Le paquet de 1 kg de la «délicieuse boisson au cacao» M-Quick renferme ainsi, par exemple, 800 g de sucres. La plupart du temps, il s’agit de saccharose ajouté, soit du sucre de table. Quelques poudres de notre tableau en ont un peu moins, tout en conservant des valeurs élevées (plus de 60%).
Et le cacao dans tout cela? Il ne constitue qu’un cinquième environ du contenu dans la majorité des produits achetés. Dès lors, est-il raisonnable d’en donner tous les jours aux enfants? Selon Nicoletta Bianchi: «Il faut considérer ces boissons comme une gourmandise et en consommer avec modération.» Une position totalement partagée par la Société suisse de nutrition, qui juge «préférable de les utiliser en petites quantités».
Très concrètement, selon le dosage indicatif sur l’emballage, un verre de 3 dl de lait mélangé à du Nesquik contient 30 g de sucres. La moitié environ provient de la poudre et l’autre du lait (lactose). Les 15 g de la poudre représentent tout de même près du tiers de l’apport journalier maximal en sucres libres – le lactose n’en fait pas partie – recommandé par l’OMS (50 g) pour un adulte et pas moins de 60% de celui conseillé (25 g) pour un enfant de 1 à 2 ans!
On trouve dans les rayons quelques versions allégées, comme le Caotina light, adapté aux diabétiques. Mais ce produit contient des édulcorants (aspartame et acésulfame-K) que la Revue médicale suisse déconseille fortement aux enfants de moins de 3 ans. Nestlé a également sorti un Nesquik avec 30% de sucres en moins dont le principal ingrédient est pourtant la maltodextrine, qui est un sucre, ce qui laisse notre spécialiste perplexe. Nestlé refuse d’en dire plus, arguant qu’il s’agit d’un secret de fabrication!
Vertus antioxydantes
On l’a compris, les boissons instantanées au cacao sont donc tout sauf indispensables au petit-déjeuner, et il est sain d’envisager une alternative (lire «Le petit déjeuner idéal pour les enfants»). Mais n’ont-elles pour autant aucun intérêt nutritionnel? «La poudre de cacao possède de très bonnes propriétés antioxydantes», souligne Nicoletta Bianchi, ce qui la distingue d’ailleurs des boissons maltées comme l’Ovomaltine (lire encadré). «Sa teneur en minéraux, en potassium et en magnésium ainsi qu’en fibres sont également intéressantes», poursuit la spécialiste. Du coup, on privilégiera les produits possédant les meilleures teneurs en cacao. Le trio de tête de notre tableau en offre ainsi entre 25% et 39%.
Faut-il aussi préférer les quelques poudres enrichies en minéraux et en vitamines (Caotina, Nesquik, M-Quick et Prix Garantie)? «Ce n’est pas nécessaire si l’on a une alimentation équilibrée. De plus, certains apports sont minimes», tranche Nicoletta Bianchi. En revanche, il vaut le coup de jeter un œil à la liste des ingrédients: «Plus elle est courte, mieux c’est! Cela montre qu’il y a moins d’ajouts, ce qui est toujours un signe de qualité.»
La franchise de Wander
Les fabricants et les distributeurs nous ont, pour la plupart, fourni des réponses décevantes concernant les hautes teneurs en sucres de leurs marques. Coop, par exemple, a estimé judicieux de nous préciser que «le sucre est un composant essentiel, puisqu’il sert à édulcorer la boisson»… Lidl prétend que la teneur reflète «un besoin des clients» et Manor se justifie en écrivant que les proportions de son Hanse Wappen «sont tout à fait comparables à celles d’autres boissons au cacao».
Wander, qui fabrique le Caotina a pris une position plus courageuse. La filiale du groupe Associated British Foods admet que «ces produits ont pour caractéristique d’avoir une forte teneur en sucre». Il reconnaît alors que son Caotina original «doit clairement être considéré comme un produit de plaisir». Ne jetez donc pas votre boîte de cacao en poudre, mais dégustez-le avec parcimonie!
Sébastien Sautebin