2 ans sans sexe : comment j'ai relancé ma vie intime (Camille, 33 ans)
L'absence de sexe, souvent liée à une absence de désir, n'est pas toujours simple à accepter et à combattre. Camille a 33 ans et elle en a souffert. Après son premier accouchement, elle et son partenaire ont perdu toute intimité. La jeune femme s'est longuement remise en question face à son couple, âgé de 12 ans, qui perdait pied. Déterminée à le remettre sur rails, craintive à l'idée de devoir se résigner et claquer la porte, elle a choisi de se battre. Une période compliquée pour Camille qui avait le sentiment d'être sur tous les fronts. Vie professionnelle, vie de famille, vie de couple… Il fallait tout gérer. A l'heure où les termes de "charge sexuelle" se popularisent et se définissent comme "la charge mentale de l'intime", le témoignage de Camille nous rappelle combien les femmes, généralement, se préoccupent de la santé sexuelle du couple et travaillent dur pour retrouver une vie sexuelle épanouissante pour les deux partenaires. En filigrane et fond de tableau, c'est ce que Camille a ressenti. Elle raconte (et nous fait réfléchir).
"Après l'accouchement, je voulais qu'on me laisse tranquille"
Durant sa première grossesse, Camille prend 30 kilos. Son petit garçon nait en 2015. Une fois l'accouchement passé, elle ne reconnait plus son corps et refuse qu'on la touche. Elle n'a qu'un besoin : se retrouver et retrouver son corps. Faire l'amour n'est pas envisageable, pas comme ça. D'ailleurs, si elle choisit de ne pas allaiter, c'est pour "stopper les dégâts", ne pas transformer ses seins en organes nourriciers, réinvestir son corps de femme au plus vite.
"J'ai vécu une grossesse compliquée avec des examens tous les mois. A chaque prise de sang, surprise : un toucher vaginal offert… Je voulais qu'on me laisse tranquille. J'avais l'impression d'avoir un trou béant à la place du vagin. Mon sexe était une tranchée, il y avait eu la guerre là-dedans."
Camille attend donc de revoir son gynéco, de faire un point. Face à l'état de son périnée, atone comme on dit, il lâche un "Ah oui quand même, on a du boulot". La rééducation périnéale est donc la prochaine étape avant d'envisager de reprendre une vie sexuelle avec son partenaire Matthieu, 33 ans aussi. D'ailleurs, elle se dit que lui non plus n'est pas prêt.
"Lors de l'accouchement, la féminité en prend un coup. Il était présent, il a tout vu malgré lui. En même temps, c'était magnifique, c'était un moment magique. Mais quand après ça, il portait notre bébé dans les bras et que les infirmières entraient dans la chambre pour me demander si j'avais bien fait caca, il va de soi que quelque chose se brise."
"J'ai fortement pensé à me faire refaire les seins"
C'est après six mois, une dizaine de séances de rééducation périnéale et une perte de poids conséquente que Camille a le sentiment de se retrouver. Un retour à soi-même qui concorde également avec la reprise du travail. Elle se sent moins fatiguée, le petit fait ses nuits. Et puis bosser lui redonne confiance en elle. Elle est active, elle fait du sport en parallèle. Tout va mieux. Naturellement elle est prête à refaire l'amour.
"Je pensais, peut-être bêtement, que quand moi je serais prête, il le serait aussi. On n'en parlait pas en fait. Ce n'était pas un sujet de conversation. Alors je suis remontée à cheval, du moins j'ai essayé. J'ai pris l'initiative, sauf qu'il ne réagissait pas, du moins son corps ne réagissait pas. Il n'était pas excité, ou quand il était, il perdait son érection au moment de la pénétration."
Ça dure ainsi pendant un an. Les tentatives n'ont pas lieu tous les trois jours, mais environ une fois par mois. Camille laisse toujours passer un peu de temps, comme pour éloigner l'appréhension, briser le cercle vicieux, tuer les pensées parasites, oublier que la fois précédente s'est soldée en échec. Mais à chaque rapprochement, l'histoire est la même : ça ne prend pas, ne fonctionne pas. Elle finit en larmes, ne parvient pas à se retenir. Elle a peur pour son couple.
"Il me disait toujours : c'est moi, ce n'est pas toi. Mais ça ne me rassurait pas. J'avais beau avoir perdu du poids et retrouvé mon corps, mes seins n'étaient plus les mêmes. Plus mous et moins tenus, le tout orné de vergetures… J'ai pensé à me faire refaire les seins. Je n'avais pas envie d'en arriver là et pourtant ça me paraissait être une bonne solution. Je me disais que mon mec ne me reconnaissait pas, que je ne l'excitais plus, que je n'étais plus celle qu'il avait connue il y a plus de dix ans. J'étais devenue mère."
Mais sauter le pas de la chirurgie n'est pas une bonne idée. Elle s'en aperçoit. Finalement, en quoi des seins refaits pourraient-ils la ramener à ses "vrais" seins ? Ils seraient transformés une deuxième fois. Elle oublie et décide de racheter des soutiens-gorge qui lui rappellent ses seins d'avant. Elle fait des achats, dépensent des fortunes, veut se rendre désirable. Elle se maquille, se met la pression, ne pense qu'à ça : lui plaire à nouveau. Chaque jour, elle essaie d'attirer le regard de Matthieu, d'être jolie, désirable. Elle sort de la douche à moitié dénudée, cherche la solution, le petit truc qui sauvera son couple. Mais rien n'y fait.
"Les amies qui reprennent le sexe un mois après l'accouchement, ça rend triste…"
Ce qui perturbe Camille et la rend d'autant plus triste, ce sont les confidences de ses amies. D'eux d'entre elles viennent d'accoucher et visiblement, le sexe n'est pas un problème. Pendant la grossesse, elles ont fait l'amour, et un mois après l'accouchement, elles ont remis le couvert.
"C'est culpabilisant. Et je sais que mes copines ne me racontaient pas ça pour prouver quelque chose. Elles ne me le racontaient pas non plus parce que ma vie sexuelle ne reprenait pas. Je n'ai rien dit. Ce genre de discussion naissait parmi d'autres, toujours autour de la maternité et du nouveau chapitre que l'on entamait toutes en même temps."
Cela fait donc un an que Matthieu et Camille n'ont pas fait l'amour. Suite aux dires de ses amies, elle se sent mal dans sa peau mais décide de ne plus rien tenter. Peut-être que Matthieu ressent de la pression, peut-être qu'il faut le laisser venir. Elle ne fait plus rien, lasse et découragée de tout essayer, et envisage plutôt d'appeler un sexologue. D'ailleurs, à cette période, Matthieu et Camille se marient.
"C'est bizarre de se dire que l'on s'est marié sans avoir fait l'amour depuis plus d'un an. Et nous n'avons pas fait l'amour après. De toute façon, je sais que mon couple ne tient pas sur le sexe. Je le sais depuis longtemps. Nous avions déjà traversé un moment de vide, quand Matthieu a subi une rupture du frein au début de notre histoire. Il s'est même fait opérer. Il avait peur de refaire l'amour."
"Quand j'ai découvert qu'il flirtait avec une autre, un bout de mon monde s'est écroulé"
C'est deux mois après le mariage que la situation se débloque. Camille a des soupçons. Matthieu est distant. Elle surprend des échanges dans son téléphone avec une collègue de travail. Ils confirment ses doutes. Plus fou encore, elle va le surprendre un soir, à la sortie du boulot, avec la nana en question. Poussette à la main, enfant sous le bras, elle traverse Paris et se pointe devant eux.
"J'ai voulu le faire culpabiliser. C'était mon but. Débarquer avec notre bébé et lui montrer tout ce qu'il avait à perdre. Quand il m'a vue apparaître, il s'est décomposé. La fille aussi. Je ne savais pas si j'avais raison d'être là mais peu importe. J'étais hors de moi, j'étais malheureuse, j'étais épuisée. J'essayais de relancer mon couple, j'y mettais une énergie folle, et lui, Matthieu, allait m'échapper."
Après cette visite surprise, le couple discute tranquillement. Bientôt deux ans sans sexe, et aucun mot de posé. Il est temps de "verbaliser". Matthieu lui dit : tu es une maman. Il est bloqué. Il ajoute ne pas reconnaitre son corps. Camille prend les choses en main, encore, elle lui explique qu'il doit essayer, qu'il doit convoquer des fantasmes pendant l'acte, que la sexualité passe aussi par l'imaginaire.
"Je l'ai beaucoup rassuré. Alors que paradoxalement, c'était moi qui avais besoin d'être rassurée. Mais c'est comme ça, c'est sans doute ce qu'il fallait. Après cette longue conversation, utile, nous avons retrouvé notre complicité et quelques contacts physiques. Un bras autour de la taille, ce genre de choses. Et il a envoyé balader l'autre fille. Il m'a également assuré qu'il ne s'était jamais rien passé avec elle. Je lui ai fait confiance. Je crois qu'il était perdu, autant que moi."
"On a refait l'amour hors du lit, loin de nos habitudes et de nos angoisses"
Leur vie sexuelle reprend très spontanément : le couple étend du linge au sous-sol de la maison. Camille s'en souvient encore. C'était un moment de la vie quotidienne, c'était on ne peut plus banal, Et c'était après avoir parlé, mis des mots.
"C'était peut-être important de changer de cadre, de ne pas tenter dans notre lit, derrière lequel on cristallisait nos échecs. On était donc en bas, on a sorti un matelas du garage et on a fait l'amour dessus. Dans la maison, il y avait des membres de ma famille, de passage chez nous. C'était excitant parce qu'interdit. La peur de se faire prendre était super agréable."
Après cette nouvelle première fois, après cette réussite, tout va mieux. Après deux années compliquées, entre questionnements incessants, manque de confiance et crainte de voir le couple s'étioler, Camille et Matthieu laissent derrière eux cette période charnière. Désormais, ils font l'amour le soir, quand leur fils est couché. Un an plus tard, la jeune femme tombe enceinte de leur deuxième enfant. Une bonne nouvelle qui débarque tout de même avec une petite appréhension, celle de revivre une épreuve comme la précédente.
"Pendant ma deuxième grossesse nous avons fait l'amour plusieurs fois, contrairement à la première. Il n'y avait pas toujours pénétration, parce que Matthieu avait peur de faire mal au bébé, mais c'était du sexe quand même.Je crois que nous ne voulions pas retomber en plein désert. Il nous fallait entretenir notre vie sexuelle, si bien qu'après l'accouchement, nous avons repris le sexe au bout de trois mois. J'ai même une pensée pour la sage-femme qui m'a accompagnée lors de la rééducation du périnée et qui m'a beaucoup mise en confiance. Elle était comme une coach ! Toujours positive. Je me sentais bien dans mon corps, c'était important."