Interview créateur – Barbara Bui, les secrets d’une mode de caractère
Elle est entourée de livres, de photos aux murs tels des moodboards, de croquis, d’échantillons… Et d’anciens prototypes qu’on rêverait d’essayer. Entrer chez Barbara Bui, rue des Francs-Bourgeois à Paris, est déjà un privilège. On s’y sent au coeur de l’ambiance créative, dans l’antre d’une femme à la double culture française et vietnaminenne, dont le premier défilé, en 1987, fut immédiatement un succès. Elle nous fait l’honneur de nous raconter son parcours, sa vision de la femme et de nous faire partager ses inspirations.
35 ans qu’elle habille la Parisienne, avec des costumes chics, “piqués aux hommes pour sublimer la femme”, des vestes qui “soulignent leur sensibilité et leur donnent tenue et force”, prodiguant à celles qui les portent une touche rock et contemporaine, inspirée dès ses débuts par le travail photographique de David Bailey, qui a réalisé quelques unes de ses campagnes. Les journalistes dont Léa Salamé, Natacha Polony, sont ses clientes, les femmes politiques comme Agnès Pannier Runacher ou la première dame Brigitte Macron la portent aussi régulièrement. Tout comme Carla Bruni ou Cécilia Sarkozy avant elles. Sans oublier les plus grandes actrices dont Julia Roberts, Cate Blanchett, Sharon Stone ou Monica Bellucci. Récemment, c’est Philippine Leroy-Beaulieu, qui a composé chez elle son vestiaire pour assurer la promotion de la saison 2 d’Emily in Paris. Autant d’occasions de soumettre Barbara Bui à notre interview créateur.
Gala : Racontez-nous un souvenir lié à votre mode?
Barbara Bui : Je garde une image de ma mère, très jolie femme, dans une robe lamée dorée, très simple, très pure, très droite, à la Cardin - ce n’en était pas - dans les années 60. Ça m’a marquée. J’ai eu autour de moi des femmes aux parcours atypiques. Ma grand-mère avait eu trois maris, fait très rare pour son époque, quand ma grand-tante, elle, ne s’est jamais mariée. C’était une intellectuelle, prof de français latin et anglais, qui nous emmenait en voyage, ou au Louvre. Ces femmes étaient particulières et m’ont forcément inspirée au moment d’imaginer la femme Barbara Bui.
Gala : Quel a été pour vous le facteur déclencheur de votre vocation ?
B. B. : Je me destinais à l’écriture après des études littéraires. Ça aurait été conforme à mon parcours et à mon univers de naissance, avec une grand-tante très érudite. Je pensais la mode superficielle. Et je ne pensais pas pouvoir exprimer autant qu’à travers l’écriture. C’est en la pratiquant, que je me suis rendu compte que c’était finalement une autre manière d’écrire. Pas avec des mots, mais des silhouettes, des couleurs. Ce que je voulais exprimer, comme point de vue de femme, je l’ai fait dans la mode.
Gala : La première pièce de mode que vous vous êtes offert?
B.B. : J’étais très jeune et je n’avais pas beaucoup d’argent. Je m’étais payé une cape manteau Anne-Marie Beretta, double face cachemire, gansée cuir. Elle présentait un travail d’architecture absolument sublime. Je n’aimais que les choses belles, qualitatives, la petite mode ne m’intéressait pas. Je ne me rendais pas compte que c’était déjà un point de vue, annonciateur de ce que j’avais envie de faire.
Gala : Quelle est pour vous l’icône de mode par excellence?
B. B. : Ce qui est resté une référence, c’est cette photo de Bianca Jagger lors de son mariage à Saint-Tropez en 1971. Elle porte une veste de costume, sans rien en dessous. Il y a tout dans ce look, le côté racé, le caractère, la sensualité sans aucune vulgarité et surtout, la liberté d’être.
Gala : Et votre inspiration du moment?
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— Tristan Morris Sun Apr 14 00:40:21 +0000 2019
B. B. : Pour le début du printemps, l’inspiration c’est la femme artiste. J’ai imaginé des beiges, en coton, avec une simplicité d’attitudes, ponctuées par des couleurs très vives: vert gazon, rouge-orangé vif. J’avais cette idée de femmes qui étaient très neutres dans leur manière de s’habiller, en décontraction, dans des combinaisons en coton par exemple, presque en vêtement de travail. Des femmes qui peignaient des toiles avec ces éclatés de couleurs.
Gala : Justement, quelles sont les couleurs qui vous accompagnent en général?
B. B. : J’aime les couleurs fortes. Je suis très noir, blanc, sinon cette saison c'est le vert très vif. Porter de la couleur, c’est aussi un peu rock car il faut assumer !
Gala : Quel est votre compte instagram coup de coeur?
B. B. : Je suis surtout des amis, comme Blanca Li ou Rossy de Palma. J’aime suivre leur périple. Le compte de Rossy est comme elle, génial, spontané, ce sont presque des mini-performances qu’il propose d’admirer.
Gala : Avez-vous une pièce fétiche, un bijou qui ne vous quitte jamais?
B. B. : Pas vraiment. Je ne porte pas de bijoux, sauf peut-être les bracelets Bone d' Elsa Peretti.
Gala : La matière Barbara Bui?
B. B. : Le cuir, évidemment. C’est avec le cuir que j’ai commencé. Nous avions aux Halles une boutique atelier. On travaillait de manière artisanale, comme une toute jeune marque, sans aucun financement et nous faisions presque de la semi-couture car les clientes venaient et passaient commande de leur vêtement fabriqué à l’unité. Le cuir n’était pas très usité à l’époque, sauf au premier degré, en mode rockeur, alors j’ai voulu faire des choses plus sophistiquées et inédites comme des pantalons à pli, des robes. Depuis, le cuir est présent dans chacune de mes collections, même pour le printemps-été.
Crédits photos : Barbara Bui