Parex Lanko se met au vert avec son enduit à base de chaux et chanvre
Batirama.com 23/10/20190Comment, l’un des acteurs majeurs de la fourniture d’enduits et mortiers à base de ciment hydraulique, opère-t-il sa révolution « biosourcée » ? Réponse : en exploitant ses ressources en matière de R&D.
C’est l’histoire d’un projet industriel à 4,4 M€ (dont une subvention de l’Ademe de 1,97 M€) qui aboutit après cinq années de recherches et de développement au sein du laboratoire de Parex Lanko.
Nommé Parnatur Corps d’Enduit Chanvre, le mélange à projeter, mis sur le marché ce mois d’octobre, est composé d’un liant à base de chaux et de chènevotte. Ce matériau d’isolation intérieur et extérieur est destiné au bâti ancien ; il convient aussi dans le neuf sur les matériaux sensibles au transfert de vapeur d’eau, comme la brique.
Autant dire que ce virage vers le biosourcé a tout pour donner des sueurs froides à la filiale du groupe Sika, plutôt habituée aux liants hydrauliques.
Isoler les parois traditionnelles en pierre, terre, à pans de bois
Lancé en 2013, le projet de R&D fait suite à la publication des fiches dites Atheba (Amélioration thermique du bâti ancien) établies en 2010 par le Creba. Les matériaux vernaculaires imposent des solutions qui prennent en compte à la fois l’isolation thermique et le transfert de vapeur. Parex Lanko constate que son catalogue ne propose pas de produits adaptés à l’isolation des parois traditionnelles en pierre, en terre, à pans de bois…
L’ambition de l’industriel, explique Sonia Yansi, responsable du marketing chez Parex Lanko, est de développer une formulation améliorée par rapport aux produits biosourcés disponibles : d’une moindre densité, d’une plus faible conductivité thermique et plus isolant. En outre, pour apporter de la productivité sur chantier, elle devait être mécanisable, projetable.
Au fil des ans, après multiples formulations et chantiers tests, Parex Lanko s’est arrêté fin 2018 sur un concept complet qui repose à la fois sur un produit biosourcé, un équipement spécifique et des garde-fous basés sur une formation.
Cet isolant doit être posé en plusieurs couches jusqu’à 8 cm d’épaisseur plus revêtu d’un mortier d’imperméabilisation.
Un concept produit + pose
Le produit est un bicomposant, un liant à base de chaux (sur lequel Parex Lanko a déposé deux brevets) et une chènevotte – la paille de chanvre – découpée selon une granulométrie très précise par le fournisseur, la Chanvrière de l’Aube.
La formule retenue est de 10 kg de chènevotte pour 25 kg de mortier à base de chaux, livrés en deux sacs de 12,5 kg jugés plus manipulables, le tout mélangé dans 52 à 60 l d’eau selon la température et le degré de fermeté de la passe. Le matériau formé par mélange répond au label biosourcé de Karibati, à savoir un volume de chanvre de 70 % pour une part de 25 % en poids.
Cet enduit repose sur une mise en œuvre mécanisée qui a aussi fait l’objet d’un brevet. Si 80 % des machines de projection pour façadier peuvent être utilisées, en revanche, elles doivent être « customisées » avec trois pièces spécifiques pour utiliser le mélange.
Cet isolant doit être posé en plusieurs couches jusqu’à 8 cm d’épaisseur plus revêtu d’un mortier d’imperméabilisation.
Une granulométrie contrôlée
En premier lieu, la jaquette, pièce mécanique en sortie de la machine, est modifiée pour éviter « l’essorage » du mélange avant son introduction dans le tuyau.
En raison de la présence de la chènevotte, les premiers essais avaient en effet mis en évidence un risque d’engorgement : seul le mortier sortait de la lance, et la charge végétale se retrouvait absente du matériau projeté…
Parex Lanko a réglé ce point dur en jouant sur deux leviers : la granulométrie contrôlée de la chènevotte et la conception interne de la jaquette.
Deuxième pièce adaptée à la projection : le tuyau de 30 m au diamètre calibré pour ce mélange. La troisième est la lance de projection, dotée d’une buse tronconique de 16 mm de diamètre en sortie. L’ensemble a pour intérêt d’assurer une projection pratiquement sans aucun effet rebond et un rendement maximal du mélange. Le travail peut être mené au rythme de 70 m² par jour.
La granulométrie du chanvre a été déterminée par les développeurs du produit pour une projection à la lance.
La sortie de la machine à projeter est équipée d’une jaquette qui supprime l’essorage du mélange sous la pression du piston.
Un produit léger et isolant
L’enduit chanvre proposé s’applique en épaisseur de 2 à 8 cm d’épaisseur, en extérieur comme en intérieur. Le mode de pose recommandé est celui par passes minces de 2 cm, frais sur frais jusqu’à 3 passes par jour et chacune tirée à la règle. Les couches doivent être espacées de 24 à 48 heures pour optimiser l’accrochage.
« Le dressage à la règle est important, explique Valdemar Limoes, maçon spécialiste des matériaux biosourcés basé en Île-et-Vilaine. Plus le matériau est droit et épais, plus il est rigide ; l’application des couches sur une première passe bien sèche évite les fissurations. » En extérieur, le matériau sèche à raison de 2 cm par semaine : à l’intérieur, ce délai double.
Le matériau est très souple (30 MPa en flexion) et peu résistant à la compression (0,3 MPa). Il doit être revêtu et se trouve être compatible avec les enduits d’imperméabilisation de type Parexal ou Patrimoine.
Le mélange est conçu pour être préparé dans une machine à projeter.
Une formule établie après des années de recherche
Après les années de recherches effectuées, les laborantins de Parex Lanko sont parvenus à établir une formule qui va bien au-delà du cahier des charges initial.
Sa densité est de 310 kg/m³, sa conductivité thermique, de 0,066 W/m.K – à 23 °C et 50 % HR, inférieure à l’objectif de 0,1 –, sa résistance thermique de 1,33 m².K/W pour 10 cm d’épaisseur, sa diffusivité, de 0,179 mm²/s, son effusivité de 156 J/K.m².s1/2, sa perméabilité µ est égale à 4,2 (pour un niveau habituel de 8 pour les enduits à la chaux) et sa performance hygrothermique (dite MBV) de 2,9 g/m².%HR.
En clair, sa capacité d’isolation fait dire à Parex Lanko que 5 cm de matériau divise par 2 le coefficient de déperdition d’une paroi, qu’il permet un déphasage thermique long (3 h 15 pour 6 mm) et qu’il s’avère très perméable à la vapeur d’eau. Ce produit dispose d’ores et déjà d’une fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) qui fixe ses émissions totales de CO2 à 6,4 kg/m² pour 8 cm d’épaisseur.
06 Parnatur– La lance est conçue pour limiter au maximum le rebond du matériau. Le mortier s’applique en plusieurs passes minces frais sur frais. Un délai entre deux couches est de 24/48 h.
Pour des applicateurs formés
Malgré ces qualités, ce fournisseur veut éviter les dérives et contre-références. Parex Lanko sera accrédité à former les installateurs et leur délivrer un certificat d’aptitude ; les installateurs déjà applicateurs de produits similaires (Saint Astier…) et reconnus comme tels par leur assureur en sont dispensés.
Gratuite, cette procédure sera obligatoire pour acquérir notamment les accessoires de pose indispensables. Ce fournisseur souhaite ainsi développer un réseau de 50 à 70 applicateurs référents dès 2020. Avec à la clé un enjeu de croissance sur ce segment du biosourcé, et d’image d’innovation, notamment auprès des maîtres d’œuvre.
Anne Daubresse, responsable du pôle prospective, méthodes et formation chez Parex Lanko. « Les accessoires de pose seront accessibles aux entreprises qui se seront formées à la pose et disposeront du certificat d’aptitude. Parex Lanko est accrédité pour cette démarche qui sera menée par une dizaine de formateurs. »
Source : batirama.com / Bernard Reinteau