Myriam Lapointe-Gagnon : un combat pour tous les parents du Québec
La jeune mère et candidate au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Trois-Rivières a récemment accepté de revenir sur les premiers mois du mouvement qu'elle a fondé et sur l'année à venir.
L'impossibilité de trouver une place pour son enfant a mis en péril la poursuite de ses études, une situation qui l’a poussée à s’impliquer.
Installée à Cacouna, la maman fonde alors Ma place au travail
et se lance dans un combat en faveur de l’accessibilité au service de garde, qu'elle qualifie de joyau en danger
.
Très rapidement, le mouvement prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux sans qu'elle s'y attende. Fin 2021, des milliers de personnes suivent le mouvement sur Facebook ou y participent.
Ce sont des dizaines, des centaines, des milliers de parents qui ont donné du temps, qui se sont levés, qui ont pris la parole pour faire reconnaître l’importance d’avoir une place en garderie
, raconte Myriam Lapointe-Gagnon.
Myriam Lapointe-Gagnon, qui vit à Cacouna, a fondé le mouvement Ma place au travail (archives).
Photo : Radio-Canada / Patrick Bergeron
Après neuf mois d’activités, le mouvement conserve toute son importance, estime-t-elle.
Il continue [d'y avoir] de la détresse partout, dans toutes les régions. Il y a des parents qui étaient impliqués dans le début du mouvement qui n’ont toujours pas trouvé de place malgré leurs efforts
, indique-t-elle.
Prise de conscience
Myriam Lapointe-Gagnon salue toutefois la prise de conscience du Québec quant à l’importance de disposer de suffisamment de places en garderie et aux répercussions qu’a un tel réseau sur les différentes couches de la société.
Il y a beaucoup de gens dans la dernière année qui ont pris conscience de l’importance du réseau pour la place de tout le monde sur le marché du travail, et surtout des femmes, qui ont été aussi gravement affectées. Il y a beaucoup de mamans qui doivent rester à la maison en raison de la pénurie de places en garderie
, note-t-elle.
De son côté, sa situation s’est réglée en cours de route : en septembre, elle a obtenu une place pour son garçon d'un an dans une garderie en milieu familial.
Quand j’ai créé le mouvement, je ne savais pas si j’allais pouvoir trouver cette place-là, puis c’était vraiment mes études qui étaient compromises
, raconte-t-elle.
Myriam Lapointe-Gagnon à l'Assemblée nationale.
Photo : Radio-Canada
Cette place est bien sûr un soulagement pour Myriam Lapointe-Gagnon, même si la crainte de voir cette garderie en milieu familial fermer demeure toujours présente.
On ne sait jamais, des fermetures peuvent toujours arriver un peu n’importe quand, pour n’importe quelle sorte de raisons. Je ne suis pas à l’abri : si jamais mon milieu familial ferme demain matin et que je ne retrouve pas de garderie, à ce moment-là, je sais que mes études peuvent être compromises.
La jeune maman relate que le succès du mouvement « Ma place au travail » vient aussi avec son lot de tracas.
Myriam Lapointe-Gagnon s'est retrouvée dans une situation inconfortable en mai dernier, après avoir été contactée par la personne à l'origine du piratage de la plateforme La Place 0-5 et du vol des données personnelles de 5000 parents du Québec.
Québec s’active
À Québec, le gouvernement s’est activé pour combler le manque de places en garderie à travers la province. En plus des 19 000 places en voie d’être créées, le gouvernement de François Legault entend en ajouter 17 000 autres d'ici 2025.
Au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et sur la Côte-Nord, des centaines de places supplémentaires devraient voir le jour dans les prochaines années.
Places en CPE promises par Québec
Région | Nombre de places en CPE promises |
---|---|
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine | 355 |
Bas-Saint-Laurent | 1087 |
Côte-Nord | 525 |
Source : Radio-Canada
De plus, Québec a conclu des ententes de principe historiques
avec les trois syndicats représentant les travailleuses des centres de la petite enfance (CPE), ententes qui ont été entérinées par les membres.
On s’est aussi rendu compte de l’importance de ces travailleuses, les éducatrices, qui sont essentielles au bon fonctionnement de la société et au bon fonctionnement de nos tout-petits
, salue Mme Lapointe-Gagnon.
Mais il reste toutefois du chemin à faire, selon elle. Ce qu’on voit dans les derniers mois, c’est que malgré les annonces, les parents continuent de chercher désespérément.
Des centaines de places en garderie devraient s'ajouter au cours des prochaines années dans l'Est-du-Québec
Photo : Radio-Canada / Fabienne Tercaefs
Il reste une ombre au tableau, croit-elle : les faibles inscriptions dans des programmes d’éducation à l’enfance, qui laisseraient présager un problème de relève.
D’un côté, on crée des places, on investit, on veut créer de nouveaux Centre de la petite enfanceCPE, mais de l’autre, on voit que les cégeps sont pas mal vides, qu’il n'y a pas beaucoup d’inscriptions.
Obtenir le droit à un service de garde
Son prochain combat : faire en sorte qu’obtenir une place en garderie soit un droit pour chaque parent du Québec.
Il faut peut-être réaliser que ça devrait l’être, au même titre que le droit à l’école, parce que la petite enfance, c’est le socle de tout. Pour l’égalité des chances, c’est vraiment important
, soutient-elle.
En septembre, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, avait fermé la porte à cette idée, qui avait été proposée au gouvernement par la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade.
Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Myriam Lapointe-Gagnon compte aussi surveiller les prochaines annonces du gouvernement.
On va suivre de près les créations de places, comment ça se fait, s’assurer de la qualité, par exemple de ne pas baisser les ratios du nombre d'enfants par éducatrice, et continuer d’être les mamans et papas ours qui veillent au grain.
Des visées politiques ?
L’année 2022 rimera avec élections provinciales au Québec : les partis préparent la campagne électorale d’octobre, dessinent leur programme et cherchent des candidatures dans l’espoir de remporter le plus de circonscriptions.
Personnage actif sur les réseaux sociaux disposant d’une belle tribune dans les médias, Myriam Lapointe-Gagnon avait confirmé en novembre son intérêt pour la sphère politique
. Elle n'avait fermé aucune porte à une candidature aux élections d’octobre.
Elle avait d’ailleurs participé à une rencontre publique en compagnie de Christine Labrie, députée de Sherbrooke. La leader parlementaire de Québec solidaire a d'ailleurs salué l'ampleur de la mobilisation que la candidate au doctorat avait créée grâce au mouvement Ma place au travail.
L'élue n’avait d’ailleurs pas manqué de décocher des flèches en direction d'Harold Lebel, député de Rimouski, et de Denis Tardif, député de Rivière-du-Loup–Témiscouata. Ces deux circonscriptions sont dans la mire de Québec solidaire pour les prochaines élections.