Les smoothie bowls sont-ils vraiment bons pour la santé? Les experts nous répondent
SANTÉ - Si vous possédez un compte Instagram, vous n'avez pas pu les manquer! Couronnés de montagnes de fruits éclatants et de garnitures pleines de promesses — onctuosité de la noix de coco râpée, délices doux-amers des fèves de cacao concassées, éclat appétissant des graines de chia —, ils sont toujours pris en photo en plongée, tels une île lointaine aperçue du hublot d'un avion.
Le smoothie bowl et son petit frère l'açai bowl ont fait leur apparition il y a plusieurs années déjà, et leur popularité ne semble pas s'essouffler. Mais ces superbes préparations représentent-elles réellement un petit déjeuner sain?
"Si les smoothie bowls peuvent être si trompeurs, c'est à cause de leur prix ultra haut de gamme et de leur capacité à surfer sur la tendance healthy", explique la diététicienne-nutritionniste Ilana Muhlstein.
"Entre un marketing mettant en avant maints ingrédients exotiques dont la plupart des gens ignorent les vertus réelles — maca, spiruline, reishi etc. — et des tarifs très élevés, on vous donne l'impression d'un produit exceptionnel."
Pourtant, beaucoup de ces bols contiennent tout autant de sucre, de calories et de glucides qu'une pile de donuts. Et ce sans compter toutes ces garnitures si attrayantes qui les rendent incontournables sur Instagram!
Vérifiez toujours la teneur en sucre de votre smoothie bowl
PublicitéLes amateurs des divers bars à smoothie et jus de fruits qu'on voit se développer en ce moment l'auront peut-être remarqué: ces produits ne sont pas forcément si intéressants au point de vue nutritionnel.
L'Açaí Primo Bowl de la chaîne Jamba Juice, par exemple, contient 490 calories et 67 g de sucre; pour l'Açaí Blueberry Bowl de chez Juice Press, c'est 260 calories et 34 g. Et même l'All-Star Açaí Bowl de chez Juice Generation, pourtant l'un des moins recherchés, affiche 345 calories et 47 g de sucre au compteur. Si les fruits sont les principaux responsables de ce dernier chiffre, même les sucres dits "naturels" peuvent avoir des effets néfastes sur la santé, surtout associés à des apports relativement faibles en protéines, lipides et fibres.
D'après une étude de 2014, les sucres ajoutés — présents dans nombre de savoureuses garnitures comme le muesli — peuvent accroître le risque de maladies cardiovasculaires. Mais même en vous contentant de smoothie bowls à base de fruits entiers, vous consommerez forcément une grande quantité de fructose. Or, une autre étude publiée dans la revue American Journal of Clinical Nutrition a montré qu'une consommation excessive de cette substance pouvait entraîner le développement d'une résistance à l'insuline et même, à long terme, d'un diabète. D'autres recherches (certes controversées) ont récemment fait apparaître un lien éventuel entre les aliments très sucrés, qui augmentent le taux d'insuline, et les problèmes d'acné.
Ne vous fiez pas non plus à la couleur: même les smoothie bowls "verts" s'appuient généralement sur des fruits et des jus pour compenser l'amertume de plantes telles que l'épinard. Il suffit de regarder le Hella Good Greens Bowl de Juice Generation: en plus de l'épinard et des protéines issues de végétaux, il contient de la banane, de la mangue et des myrtilles, qui lui donnent toute sa saveur. Résultat: un total de 490 calories — et 46 g de sucre.
PublicitéQuant aux "super-aliments" comme l'açaï, ne les prenez pas pour une panacée. "Malgré leurs vertus pour la santé, en si faible quantité, leurs effets risquent d'être très minimes — contrairement à ceux du sucre et des calories", souligne Ilana Muhlstein.
La parfaite combinaison de nutriments pour vous laisser affamé... et sur les nerfs
Si Jessica Cording, diététicienne et coach santé, déconseille souvent à ses clients de consommer ce type de produits, c'est parce qu'ils pèchent sur deux enjeux clés: la répartition des nutriments et la taille des portions.
"Qu'il soit d'origine naturelle ou non, le sucre consommé seul, sans protéines ni lipides, passe directement dans le sang. En plus, un bol contient énormément de calories! En le mangeant au petit déjeuner, vous aurez l'illusion de vous rassasier, mais risquez très vite d'avoir de nouveau faim."
Pour définir le régime le plus adapté pour chacun — ce qui dépend de divers facteurs, notamment la morphologie et l'activité physique —, la diététicienne a une technique: éviter la "colère du ventre vide".
"Un repas équilibré doit apporter matières grasses, sucre, glucides et protéines, assurant ainsi une libération lente et une dégradation régulière des nutriments dans l'organisme. Cela permet aussi de stabiliser l'humeur, évitant ce sentiment de nervosité et d'irritation qui accompagne les fringales."
Du fait de leur relativement faible apport en protéines, les smoothie bowls entraînent un soudain afflux de sucre dans le sang. Résultat: une hausse brutale du taux de glycémie, suivie d'une chute tout aussi rapide. L'idéal pour se sentir faible et vaseux au bout de quelques heures, avec de fréquentes sautes d'humeur à la clé.
Même l'ajout d'un peu de beurre de noix pour rééquilibrer les choses n'aura que peu d'effet. À titre d'exemple, l'Island Pitaya Bowl de Jamba Juice contient 470 calories et 70 g de sucre, pour seulement 6 g de protéines. Pour l'Almond Butter Açai Bowl de Juice Press, c'est 7 g de protéines et 24 g de sucre, pour un total de 360 calories. Quelques ingrédients riches en protéines et en bonnes matières grasses, tels que le beurre de noix, peuvent certes faire remonter un peu ces chiffres — mais attention, ils ajouteront aussi un bon paquet de calories!
Les nutritionnistes sont également consternés par la taille des portions souvent proposées dans le commerce. Et il est tout aussi facile de se laisser emporter en préparant un smoothie bowl maison, surtout quand on le veut bien généreux et appétissant. La plupart représentent l'équivalent de multiples portions de fruits — bien plus que vous n'en consommeriez d'un coup s'ils n'étaient pas mixés, explique Jessica Cording.
D'après les recommandations nutritionnelles des ministères de la Santé et de l'Agriculture américains, la quantité journalière conseillée est de 250 à 350 g de fruits pour un adulte à l'activité physique légère à modérée. Petit rappel: une banane, une petite pomme, 80 g de fruits secs ou 250 ml de jus de fruits 100% pur jus représentent chacun une portion. Ainsi, même faites maison, ces préparations si attrayantes en contiennent souvent beaucoup trop: on arrivera facilement à deux à trois portions en mixant une banane et une poignée de fruits rouges, avec des fruits secs en garniture — et ce pour un seul repas!
Publicité"Sur ce point, les réseaux sociaux jouent un rôle non négligeable. Toutes les photos montrent d'énormes bols très recherchés, couronnés de multiples ingrédients — c'est à se demander si les gens consomment vraiment tout ça!" fait remarquer notre diététicienne. "Pour évaluer de telles recettes, je vous conseille vraiment de réfléchir à ce que vous faites. Demandez-vous si vous n'hésiteriez pas à consommer la même quantité de fruits entiers d'un coup. Bien sûr, ce conseil paraît un peu rabat-joie, mais contrôler vos portions est vraiment un enjeu essentiel."
Les aliments mixés apportent moins de fibres et un sentiment de satiété plus faible
Qu'ils soient présentés dans un bol ou non, la praticité des smoothies a aussi ses inconvénients. Bien sûr, un repas "à boire" vous permet d'emporter partout des aliments frais aux multiples vertus nutritives... Mais votre corps n'y réagira pas comme à un repas plus traditionnel.
"Le mixage a pour effet de casser la structure des fibres, nuisant à la capacité rassasiante des aliments", explique le diététicien Andy Bellatti. "En d'autres termes, consommer 75 g de fraises, deux bananes et une pêche mixées ne satisfera pas autant votre faim que si vous mangiez ces mêmes fruits entiers."
Une étude publiée en 2014 dans la revue Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics a montré que plus les personnes étudiées mâchaient leurs aliments, moins elles en consommaient. Sur un groupe invité à manger une pizza croustillante, les participants ayant reçu pour instruction de mâcher deux fois plus qu'à l'accoutumée prenaient environ 10% de calories en moins, pour une quantité de nourriture inférieure de 15%. Le fait de s'installer devant un "vrai repas" fait aussi toute la différence.
"La mastication libère certes des enzymes participant au processus de digestion, mais sa valeur est aussi comportementale", explique Jessica Cording. "Associée au fait de consommer des aliments entiers, elle envoie à notre corps le signal qu'on est en train de se nourrir. Le fait de s'asseoir, de prendre des couverts, de porter quelque chose à sa bouche avant de le mâcher sont autant d'éléments qui contribuent à une plus grande sensation de satiété."
Manger plus lentement influence également la libération des hormones et l'allure à laquelle elles atteignent le cerveau. Tout simplement, consacrer plus de temps à vos repas permettra à votre corps de vous faire savoir qu'il est rassasié. Vous éviterez ainsi d'être dans l'excès.
Une étude de 2011 publiée dans l'American Journal of Clinical Nutrition a mesuré les taux de diverses hormones après un repas plus ou moins mastiqué. Le résultat: les participants ayant le plus mâché présentaient un plus faible taux de ghréline, l'hormone de la faim. Au contraire, leurs taux étaient plus élevés en ce qui concernait le GLP-1, un peptide stimulant la sécrétion d'insuline, et la cholécystokinine (ou CCK), qui contribue à réguler l'appétit. Ces sujets n'avaient donc pas besoin de manger autant pour se sentir calés.
En plus du manque de protéines et de fibres et de la forte teneur en sucre qui caractérisent la plupart des smoothie bowls, leur légèreté peut aussi impacter leur capacité à remplir l'estomac. Dans le cadre d'une autre étude du Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 35 hommes et femmes de corpulence normale et 35 sujets en surpoids ou obèses ont consommé deux repas types — une fois lentement, l'autre vite. Les participants ayant mangé à moins vive allure ont déclaré s'être sentis rassasiés plus longtemps. Alors si vous optez tout de même pour un smoothie bowl ou autre en-cas sur le pouce, prenez votre temps: votre organisme verra la différence.
La bonne nouvelle: il y a des astuces pour rendre ces bols vraiment sains
PublicitéAmateurs de leur praticité (et avouons-le, de leur potentiel de séduction sur les réseaux sociaux), rassurez-vous: il existe quelques parades.
Tous les nutritionnistes que nous avons consultés vous mettent en garde contre les sucres ajoutés, ainsi que les ingrédients qui en contiennent naturellement beaucoup. Andy Bellatti suggère de remplacer le jus de fruits par du lait végétal non sucré. "Optez aussi pour des garnitures saines et sans sucre — noix de coco râpée, éclats de fèves de cacao, graines de chanvre ou de chia — plutôt que du muesli, du miel ou des fruits secs."
Envie de quelque chose de plus onctueux? Évitez le yaourt au lait écrémé, car la matière grasse rend les aliments plus nourrissants. Choisissez-le plutôt au lait entier, mais sans sucre ajouté.
Selon Jessica Cording, vous pouvez aussi booster votre apport protéique avec des protéines en poudre sans arôme ajouté — ou du lait de pois, qui en contient davantage que la plupart des autres produits végétaux.
"Je vous invite aussi à incorporer des légumes dans vos smoothies. L'idéal est d'en utiliser deux fois plus que de fruits." Le riz de chou-fleur, par exemple, donnera à votre préparation une texture bien épaisse et crémeuse, tout en apportant de précieuses fibres et autres nutriments — et tout ça sans "ce goût vraiment fort". "Dit comme ça, ça paraît bizarre, mais le résultat est délicieux."
N'hésitez pas à ajouter des graines de chanvre et de chia, avec modération. Ces produits-là, eux, ont de réels bienfaits nutritifs, remarque Andy Bellatti. "Voilà deux sortes de graines qu'il est très intéressant d'incorporer à son régime quotidien. Elles contiennent des acides gras oméga 3, très bons pour le cœur. Le chanvre apporte également beaucoup de protéines, de magnésium et de potassium. Les graines de chia, elles, regorgent de fibres, ainsi que de calcium. Très polyvalentes, elles se marieront facilement à tous types d'aliments."
Mais comme pour tout le reste, il est essentiel de bien mesurer ses portions. Pour Jessica Cording, le total de vos garnitures ne doit pas excéder une cuillère à soupe: à vous de les répartir entre un seul ingrédient ou une cuillère à café environ de plusieurs types de gourmandises. Voyez-y un ornement agréable, plus qu'une partie de votre recette.
Le mot de la fin? Malgré leur allure si attrayante, tous ces smoothie bowls qui vous font de l'œil sur votre fil Instagram ou au bar à jus du coin ne méritent pas réellement l'image ultra diététique que leur attribuent les influenceurs. Vous pouvez en faire un petit plaisir occasionnel, mais n'espérez pas trop de leurs bienfaits nutritionnels.
Cet article, publié à l'origine sur le HuffPost américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast For Word.
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